Si les Dieux du Rugby se sont débrouillés pour que cet homme, né d’une mère italienne et d’un père savoyard, voie le jour à Genève, c’est que bien entendu ils avaient un plan pour lui…
Ce plan, c’était de faire porter à Ludovic Perruisset le maillot Rouge & Blanc du XV de l’Edelweiss ! Fidèle à l’U.S. Annecy Rugby depuis ses tous premiers pas sur la Planète Ovale, c’est par l’entremise de Thibault Gery que l’affaire sera conclue avec les Grands Manitous de la Nati, pour le plus grand plaisir de Ludovic. Amoureux des voyages, il entreprendra plus tard un sacré périple de l’autre côté du globe en compagnie de son vieux pote Hugo. En Australie, il croisera la route de footballeurs qui deviendront compagnons de route, il découvrira que les matchs de Rugby se préparent d’une manière différente de chez nous, il s’amusera à piloter à distance des robots capables de démolir des pans entiers d’immeubles, et il rencontrera même une Bordelaise dont il tombera plus que sous le charme… Et puis, de retour au pays, pour rester libre et maître de son destin, il osera franchir le pas de l’entreprenariat avec la complicité de Thomas… A2P était née, avec pour mission d’aménager les extérieurs des maisons et bâtiments de Haute-Savoie et d’ailleurs… Merci Ludo !
Bonjour Ludo, tu as une double nationalité, mais c’est finalement en terrain neutre que tu es né…
Exact ! J’ai la double nationalité… française par mon père, Philippe… et italienne par ma mère, Osilia ! Et c’est vrai que c’est en Suisse, à Genève, que j’ai vu le jour… ce qui m’a donné un sacré privilège !
Ah bon… lequel ?
L’honneur d’avoir déjà porté à huit reprises le maillot du XV de l’Edelweiss …
Mais entre la France, l’Italie et la Suisse… c’est où que tu as poussé finalement ?
À Cruseilles, en Haute-Savoie, tout près de la frontière suisse.
Le Rugby était-il déjà chez toi, quand tu poses tes valises sur la planète ?
Non, pas spécialement ! En fait, dans ma prime enfance, j’ai surtout entendu causer d’aviron à la maison… Gilbert, mon grand-père, était Président du « Club Nautique Chambéry le Bourget-du-Lac Aviron », et mon père a pratiqué ce sport en compétition.
Le Rugby avait quand même une place honorable, car mon père et mon grand-père, même s’ils n’y avaient jamais joué, étaient fans et suivaient régulièrement les grands matchs à la télé. J’adorais partager ces moments avec eux.
Dans la famille Perruisset, c’est donc toi qui a été le pionnier en Terre Ovale ?
Oui, mais ça ne s’est pas fait tout de suite ! Je me suis d’abord frotté à d’autres sports… un peu de foot, un peu de ping-pong, 7 ans de judo… mais sans jamais vraiment accrocher… Tout ça était un peu trop individualiste pour moi.
Et alors, ça a été quoi l’élément déclencheur ?
L’élément déclencheur s’appelle Théo Villard, un de mes très bons copains. On était au collège ensemble et c’est en 5ème que tout s’est passé. Théo baignait dans une famille de rugbymen de pères en fils… il voulait commencer à jouer, et il m’a demandé de l’accompagner.
Contrairement à lui qui était plutôt menu, j’étais un peu enveloppé à l’époque… Il m’a convaincu que le Rugby était fait pour moi ! C’est comme ça qu’on s’est retrouvé tous les deux à l’École de Rugby de l’U.S. Annecy.
Comment se passe votre « première » quand vous arrivez au Stade des Fins (ndlr : c’est le nom du stade à Annecy) ?
On ne connaît personne, alors Théo et moi, on a tendance à rester un peu timidement collés à la rambarde… Jusqu’au moment où un gamin, Thomas Paolacci, vient nous chercher et nous invite à rejoindre le groupe pour tâter du ballon… C’était parti pour une nouvelle vie avec de nouveaux copains ! Thomas est rapidement devenu un de mes meilleurs amis, nos parents sont devenus très amis aussi… bref, depuis ce moment fondateur, l’Esprit Rugby a fait son œuvre !
Tu te rappelles d’un truc particulier à l’occasion de ce premier entraînement ?
Oui ! Avec Théo, nous constatons avec stupeur que, sans nous être concertés, nous sommes équipés de la tête au pied avec exactement la même tenue… Visiblement, on était passé au même rayon chez Décathlon ! Bien sûr, ça a beaucoup fait marrer nos futurs coéquipiers…
Ton entourage familial a-t-il été heureux que tu te mettes au Rugby ?
Je crois pouvoir dire que mon père a été très heureux et fier… Très vite, il a assisté à tous les matchs, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. En quelques mois, il s’est investi dans le club en tant que « papa-de-joueur », et nous aurons ainsi le bonheur de nous côtoyer tout au long de mon apprentissage rugbystique, depuis mes premiers pas jusqu’à ce que j’intègre le Groupe Seniors. Il s’est toujours beaucoup occupé des équipes dans lesquelles j’ai grandi au fil du temps, tant sur un plan administratif et financier (il savait nous ramener quelques sponsors !) que sur un plan « terrain ». Il a même été soigneur…
Je sais qu’il prenait grand plaisir à voir jouer son fils et à partager avec lui quelques moments de convivialité que seul le Rugby sait offrir. S’il était très présent dans mon univers rugbystique, j’ai par contre toujours apprécié qu’il ne se soit jamais ingéré dans ma façon de jouer, qu’il ne m’ait jamais mis de pression par rapport à ça… Ce n’est pas toujours le cas chez certains parents. Lui, son seul plaisir, c’était de nous voir nous éclater sur le terrain et partager ces moments de bonheur avec nous et nos éducateurs.
Dans l’ombre, il travaillait aussi pour toi… ?
Oui… gamin ça me passait un peu au-dessus de la tête, mais un jour il m’a montré un gros classeur dans lequel il collectionne tous les articles qui ont jalonné ma carrière de Rugbyman, depuis mes premiers pas jusqu’à aujourd’hui encore. C’est plutôt chouette de sa part bien sûr… Le jour où j’aurai des gamins, je serai sans doute moi aussi très fier de leur montrer tout ça, et ça pourra peut-être susciter des vocations!
Et le reste de la famille, il le vivait comment ton Rugby ?
Ma mère et ma sœur, Marine, n’étaient jamais bien rassurées au bord du terrain quand elles venaient me voir jouer, mais elles ont bien été obligées de s’y faire. Et au fil du temps, elles se sont habituées à venir au stade plus pour venir discuter avec les copines que pour regarder le match…
Quelques éducateurs et entraîneurs qui t’ont particulièrement marqué dans cette École de Rugby Annécienne ?
J’ai beaucoup appris auprès d’entraineurs comme Max Chirat, Daniel Bezio, Dominique Dupenloup, puis un peu plus tard Jean-Michel Brand, David Buttay et Olivier Bouchet. Grâce à eux, j’ai pu progresser, et je les en remercie.
Si tu étais un peu enveloppé comme tu m’as dit plus haut, on t’a certainement fait jouer devant, non ?
C’est ça… Compte tenu de mon gabarit initial, j’ai d’abord joué en 1ère ligne, puis en 3ème ligne en Minimes… mais mon corps ayant subi quelques transformations, je jouerai ¾ centre en Cadets et Juniors ! En fait, jouer derrière ne me plaisait pas trop, alors dès que j’ai pu je suis reparti devant en 3ème ligne aile (quelquefois aussi en n°8), poste que je ne quitterai plus jusqu’à aujourd’hui.
Un clin d’œil particulier que tu voudrais adresser à un personnage mythique de l’U.S. Annecy ?
Ce clin d’œil, c’est à Jean-Paul Clerc que je l’adresse avec grand plaisir ! Jean-Paul est un bénévole en or qui fait un boulot monstre au sein du club… Bientôt 20 ans que je joue à Annecy et qu’il est présent à tous les entrainements et à tous les matchs pour filer un coup de main sur tous les aspects logistiques. L’U.S. Annecy, c’est sa famille, et à travers lui, je voudrais saluer tous ceux qui dans l’ombre permettent au Rugby amateur de fonctionner… il en est l’exemple type.
À un moment de ton parcours en catégories Jeunes, tu quittes Cruseilles, direction la Savoie…
Tout en continuant à jouer à Annecy, j’intègre la section sportive Rugby du Lycée Monge à Chambéry. Une bonne occasion pour le relatif timide que je suis alors de s’émanciper quelque peu… Ce qui me vaudra quelques allers et venues entre l’internat et le domicile de mes grands-parents (qui fort heureusement habitaient tout près) à cause de certaines exclusions… Je n’étais pas méchant, mais je n’étais pas le dernier quand il y avait une connerie à faire, fort bien aidé en cela par Alexis Monvignier, mon collègue de chambrée… alors quelquefois on a été pris par la patrouille.
Quand vas-tu intégrer le groupe de la Première de l’U.S. Annecy ?
Très jeune, puisque je n’ai que 18 ans quand je joue mes tous premiers matchs avec la Une, en Fédérale 2. Nous sommes alors dans la « chaude » (dans tous les sens du terme !) poule du sud… Hyères-Carqueiranne, La Seyne, Grasse, Saint-Raphaël-Fréjus, etc… . Si ne joue pas beaucoup, je gagne par contre énormément en expérience, et je m’aguerris à vitesse « grand V ».
On descendait donc dans le sud un week-end sur deux, de sacrées prises de têtes sur le pré, mais aussi de sacrés retours en bus sur Annecy, orchestrés d’une main de maître par notre cher Mickaël Avettand, dit « Poussin », et son fabuleux accordéon qui sait jouer tous les chants de Rugby… On mettait une sacrée ambiance partout où on passait !
Tu as continué ensuite avec la Une ?
Non, car comme je souffre d’un manque de temps de jeu avec les Seniors, je préfère la saison suivante retrouver ceux de ma génération, et je rejoins le groupe Bélascain… Une équipe formidable dans laquelle je retrouve tous mes copains et dont j’ai l’honneur d’être nommé capitaine. Cette saison-là, on loupe malheureusement de peu les phases finales, mais par contre on vit des moments festifs et de camaraderie inoubliables… On a bien profité de notre jeunesse !
Et après ?
La saison suivante, l’équipe Bélascain n’étant pas reconduite au sein du club, je réintègre le groupe de l’Équipe Première, qui vient tout juste d’accéder à la Fédérale 1… Mais certains clubs ayant refusé de monter parce que ne se sentant pas encore prêts à affronter ce niveau, notre accession à la Fédérale 1 s’effectue sur tapis vert, et un peu au dernier moment dans l’entre-saison… Du coup le club n’est pas suffisamment armé et organisé pour relever le défi qui l’attend à l’étage supérieur.
Le résultat sera sans pitié : on ne gagne qu’un seul match dans la saison, celui d’ouverture à la maison, contre Mâcon, qui finira premier de la poule à l’issue des phases qualificatives du championnat ! Après ce coup d’éclat de début de saison, on ne prendra que des valises…
Tu as des souvenirs particuliers de cette saison en Fédérale 1 ?
Je me souviens très bien du deuxième match, à l’extérieur, à Romans… Je suis n°8 titulaire et j’ai en face de moi un international Tongien… Je passe un sale après-midi (tous les Annéciens aussi d’ailleurs), mais bon, j’étais jeune et c’était quand même une super expérience.
Certes, collectivement parlant, on a pris l’eau cette année-là, mais sur un plan purement personnel, je garde le souvenir d’être parti au combat contre des gars très forts qui avaient déjà évolué au plus haut niveau et que j’avais vu jouer à la télé quand j’étais gamin. Ça reste donc quoiqu’il en soit une super expérience sportive pour moi.
À l’issue de la saison, la note est salée pour l’U.S. Annecy…
Oui, au final, cette saison chaotique en Fédérale 1 va faire du mal à notre club… L’U.S. Annecy est rétrogradée sportivement et financièrement en Fédérale 3, on écope donc d’une double sanction qui nous met deux étages plus bas.
La plupart des joueurs professionnels qui avaient été recrutés à la hâte quittent le navire. Mais ce n’est pas un problème, car reste une équipe composée de copains formés au club et de quelques joueurs extérieurs bien attachés à la région… Certes on descend avec pertes et fracas, mais on repart pour un nouveau cycle vertueux !
Et puis… Après la pluie, le beau temps !
Exact ! C’est donc dans la bonne humeur qu’on attaque la saison 2014/2015 en Fédérale 3… une saison quasi parfaite ! Match après match, on vit une superbe aventure, et une ferveur incroyable se réinstalle autour du club. Vraiment, c’était magnifique à vivre et à voir. Après avoir éliminé Izeaux, Saint-Étienne, Tavaux Damparis, on joue la demi-finale contre Peyrehorade, à Gruissan. On perd le match, mais nos dirigeants posent réclamation suite à une erreur de Peyrehorade sur les remplacements de ses premières lignes…
Et alors, il se passe quoi ?
Nous les joueurs, on pense que la saison est terminée… Mais la F.F.R. donne gain de cause à l’U.S. Annecy et décide de refaire jouer le match ! Une histoire qui a fait grand bruit à l’époque dans le petit monde de l’Ovalie ! Donc rebelote, nous voici à nouveau à Gruissan pour jouer contre les Peyrehoradais et leur armada de supporters remontés à bloc (les nôtres aussi, bien que beaucoup moins nombreux) … le club landais est une terre de Rugby ancestrale, dans laquelle la culture ovale est profondément ancrée.
Mais cette fois, c’est nous qui gagnons, et au coup de sifflet final, tout part en sucette, à la fois sur le terrain et dans les tribunes… Grosse, énorme, phénoménale bagarre générale… mais qu’importe… à nous la finale !
Vous allez retrouver qui en finale ?
La finale se joue à Vichy contre Chartres… C’est un moment magique mais on a en face de nous une équipe beaucoup plus forte et on perd le match. Histoire de mettre un peu de suspens, on marque deux essais en fin de partie, pour finalement venir mourir à deux points (défaite 22 à 20), mais honnêtement, si on avait gagné, ça aurait été un hold-up !
Malgré la défaite, je garde un magnifique souvenir personnel de ce jour-là, car mon grand-père, alors qu’il était gravement malade, avait quand même tenu à faire le déplacement. C’est un des moments précieux que je garde aujourd’hui de lui.
Tu n’as donc jamais quitté l’U.S. Annecy depuis tes débuts ?
J’ai aujourd’hui 28 ans et j’ai commencé à jouer à 10 ans… voilà donc un sacré bail que je porte le maillot « Bleu & Blanc » de l’U.S. Annecy (avec une interruption d’une année dont je te parlerai plus loin). C’est un club incroyable, pour lequel j’ai bien évidemment énormément d’affection, et je n’ai jamais réussi à le quitter, malgré quelques propositions de l’extérieur.
Quand je suis parti en section Rugby en Savoie, j’ai fatalement failli signer au S.O. Chambéry. D’un point de vue purement logistique, ça aurait facilité les choses, mais Jean-Michel Brand, mon coach de l’époque à Annecy, faisait les allers-retours Annecy-Chambéry pour m’emmener à l’entrainement et me convaincre de rester… c’est aussi grâce à des personnes comme ça que le Rugby est ce qu’il est.
Plus tard, en Seniors, j’ai aussi failli signer à Rumilly, « l’ennemi-voisin » dont Olivier Bouchet, mon ancien entraîneur en Bélascain, était devenu l’entraineur principal. Mais une fois dans le bureau, au dernier moment et alors que tout était prêt, ça a été plus fort que moi… je n’ai pas pu signer ! Tu vois, je n’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout… Ici, je fais partie des enfants du club, pour rien au monde je n’abandonnerais les 3èmes mi-temps au « chalet » (ndlr : club-house de l’U.S. Annecy).
À côté de ta vie en club, tu es donc aussi International Suisse… tu nous racontes comment ça s’est passé ?
En fait, c’est sur le tard, en 2018, que j’ai appris par hasard que j’étais éligible pour jouer avec la Nati, l’Équipe Nationale Suisse. C’est en discutant un jour avec Thibault Gery (lui-même International Suisse) dans le bus au retour d’un match, qu’il me dit: « Ludo, t’es né en Suisse… donc potentiellement tu peux jouer avec la Nati… je vais en parler aux coachs ! ».
Il l’a fait ?
Oui car effectivement, quelques jours plus tard, j’étais appelé d’abord par David Nicaise, que j’avais eu comme entraîneur dans les rassemblements Jeunes du Comité des Alpes, puis par Olivier Nier, le Sélectionneur de la Suisse… C’était le début d’une belle histoire. Après avoir participé à un premier rassemblement de préparation au cours duquel nous avons rencontré en amical l’Agronomia, le club Champion du Portugal, j’aurai donc la chance de porter huit fois le maillot de la Nati.
Quels vont être tes débuts avec le XV de l’Edelweiss ?
Je vais connaître mes premières sélections officielles d’abord en amical contre la Côte d’Ivoire, puis contre la République Tchèque à Prague, dans le cadre du Tournoi des 6 Nations, en réalité le « Rugby Europe Trophy », qui est le tournoi correspondant à notre niveau, soit la « 3ème division » européenne.
Quels grands moments sportifs gardes-tu de cette expérience internationale ?
Je me souviens d’un match en particulier… Après ma première sélection à Prague où j’étais rentré pour les cinq dernières minutes et où nous avions perdu, les coachs m’ont fait confiance le tour suivant pour la réception de la Pologne à Genève Plan-les-Ouates. J’étais particulièrement motivé pour cette rencontre au cours de laquelle je savais que je devais faire mes preuves. On a réalisé ce jour-là un match héroïque et haletant… On perdait de plus de 20 points à 35ème minute, et à l’issue d’une remontada incroyable, on finit par gagner ! Grand moment, que j’ai d’ailleurs partagé, entre autres, avec Jonathan Wullschleger, qui à l’époque jouait à Saint-Priest et ne nous avait pas encore rejoint à Annecy.
Je vais vivre aussi un autre grand moment avec le maillot du XV de l’Edelweiss quand en 2020 nous allons battre l’Allemagne sur ses terres à Heidelberg. Cette victoire a été qualifiée d’historique et saluée comme telle, car c’était la première fois que la Suisse arrivait à battre l’Allemagne…
Et plus globalement, avec le recul, ça fait quoi d’être international ?
C’est une expérience assez incroyable de représenter un pays et d’aller en rencontrer d’autres, en jouant à un niveau tout de même très intéressant, et je n’aurais jamais pensé que cela puisse m’arriver un jour. Même si dans ma vie je n’avais pas eu particulièrement jusque-là d’attaches avec le Suisse, hormis le fait d’y être né, j’en ai maintenant une, et qui est un grand honneur pour moi… c’est d’avoir porté et défendu son maillot. Et puis ça a aussi été pour moi l’occasion de visiter de très belles villes étrangères, dans de très agréables conditions, et les voyages… j’adore ça !
Dis-moi Ludo, tu as joué avec la Suisse, mais légitimement, grâce à ta mère, tu aurais aussi pu jouer pour l’Italie, non ?
Ah… tu as raison ! Légitimement parlant, c’est vrai que grâce à mes origines maternelles, j’aurais aussi pu jouer pour l’Italie. Porter le maillot de la Squadra Azzura et jouer à côté de Sergio Parise, ça m’aurait chauffé… mais bon, je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais été appelé par le staff transalpin ! Plus sérieusement, non, je n’avais pas le niveau, et c’est pour ça que je remercie beaucoup ma mère de m’avoir fait naître en Suisse !
Tu es heureux de ton parcours en Terre Ovale ? Tu ne regrettes rien ?
Non, sincèrement, je n’ai aucun regret dans ce parcours, car je suis comme ça dans la vie de tous les jours… Le regret, c’est un sentiment que je ne connais pas, il ne fait pas du tout partie de ma façon de voir le monde. Ce sport m’a permis de m’affirmer et de me découvrir une âme de leader, alors qu’à la base, quand j’étais gamin, j’étais plutôt timide et sans grande confiance en moi. C’est comme si le Rugby avait été pour moi une sorte de révélateur…
Tu m’as dit que tu adores les voyages… La Nati t’a fait découvrir des pays en Europe, mais as-tu bourlingué dans d’autres parties du monde ?
Oui, j’ai déjà pas mal bougé en Europe, et je suis déjà allé trois fois en Thaïlande, un pays fabuleux que m’a fait découvrir Igor Gianesello, un ancien collègue de travail avant que je ne me lance dans l’entreprenariat. J’ai vraiment eu un énorme coup de cœur pour ce pays, où les gens sont simples et ont toujours le sourire, où les paysages sont magnifiques, où il y a un sens omniprésent de la fête et où la nourriture est délicieuse… bref, tout ce que j’aime !
Et puis, il y a trois ans, tu as entrepris un grand et long voyage…
J’avais besoin de respirer un peu ailleurs et de sortir de ma routine, et Hugo Van Belle, mon meilleur ami et avec qui je jouais à l’époque à Annecy était lui aussi dans ce cas… Alors on s’est embarqué tous les deux dans un périple d’une année, destination… l’Australie !
Il joue toujours Hugo, actuellement ?
Malheureusement non ! Hugo est aujourd’hui déjà retraité du Rugby, à cause de sa passion pour la Playstation et la gonflette !
Bon Ludo, tu te débrouilleras avec Hugo quand il lira ça… et attention au droit de réponse ! Mais revenons à ce voyage initiatique en Australie… pourquoi l’Australie ?
Parce que l’Australie, ça nous avait toujours fait rêver ! Des copains y étaient déjà allés et nous avaient dit qu’il était relativement facile d’y trouver du boulot pour survivre là-bas. On est arrivé à Sydney sans parler un mot d’anglais, et on a connu pas mal de péripéties dès la première semaine de notre séjour… En résumé, on s’est fait virer de notre backpacks (ndlr : traduire « maison du voyageur ») après la première nuit pendant laquelle on avait mis un peu le bordel, et surtout empêché les autres occupants de dormir. Le lendemain matin, on s’est retrouvé avec nos valises sous la pluie, sans savoir où aller…
Arrivé là-bas, votre « duo » va rapidement devenir un « quatuor »…
Oui, on croise très vite la route de Roman Fernandez et de Younès Rais, deux footballeurs originaires de Grenoble, eux aussi meilleurs amis et qui ont entrepris le même trip que nous… aller découvrir le monde !
L’amalgame rugbymen / footballers a très bien fonctionné, à tel point qu’on est devenu tous les quatre des « travel mate » (compagnons de voyage). Du coup on ne s’est plus lâché et on a partagé des moments incroyables et inoubliables à travers tout le pays, de ville en ville, de ferme en ferme, de désert en désert, de job en job ! On en a même profité pour faire une excursion à Bali et en Nouvelle-Zélande.
Et alors, l’info était vraie ? Vous avez facilement pu trouver du boulot pour mettre du beurre dans les épinards ?
Oui, parce que les Australiens ont plutôt tendance à sous-traiter les travaux manuels aux étrangers, et comme ça paie plutôt bien, ça nous allait très bien. À Sydney, au début de notre séjour, on a travaillé pendant trois mois dans une grosse boîte spécialisée dans la démolition… exactement ce qu’il nous fallait ! Comme j’avais tous mes permis de conduite d’engins, je me suis retrouvé propulsé à un poste plutôt sympa aux manettes d’une pelleteuse, et j’ai même eu l’opportunité de piloter des robots de démolition à distance… c’était vraiment top !
Et pendant que tu t’amusais avec des robots pilotés à distance, il faisait quoi lui, Hugo?
Ben, comme il n’avait pas ses permis, il était à la mine… tout au marteau-piqueur !
L’Australie est une terre de Rugby… vous y avez joué là-bas ?
Effectivement, nous avons joué dans le club de Waverley, à Bondi Beach, une plage très connue de Sydney. Là-bas, le terrain de Rugby donne sur l’Océan Pacifique… un décor somptueux ! On a fait une moitié de saison avec eux, à un niveau équivalent chez nous à la Fédérale 2. Il y avait dans cette équipe beaucoup de « voyageurs » comme nous, des étrangers venant d’un peu partout dans le monde… des Argentins, des Britanniques, des Néo-Zélandais, des Chiliens, des Français… et seulement 7 Australiens !
Vous y avez découvert une autre approche du Rugby ? Plutôt sympa ?
Pour sûr ! Là-bas, deux minutes avant le match, tout le monde a encore le sourire et discute, on se change au bord du terrain sous des tentes pliables, des « gros » s’empiffrent un dernier hamburger attrapé sur le coin d’un barbecue encore fumant… Imagine le changement par rapport à ce qu’on avait toujours connu jusque-là !
Pas de coup de casque dans les vestiaires, pas de long silence pendant lequel les esprits sont déjà tournés vers ce qui va se passer sur le pré, pas de lumière éteinte, pas de discours interminable des coachs, pas le temps de tergiverser… Zéro pression avant-match ! Par contre, dès la partie engagée, je peux t’assurer que tout le monde est dans le match et que ça file terrible. Finalement j’ai trouvé cette approche très intéressante et instructive, je pense qu’on devrait pouvoir s’en inspirer chez nous pour aider à maîtriser toute cette pression parfois inutile qu’on se met dans les moments qui précèdent les matchs.
Alors oui… j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à jouer dans l’Hémisphère Sud…
Une belle expérience au final, ce voyage, j’imagine…
Bien sûr… Il y a tellement de choses à faire en Australie qu’encore aujourd’hui j’ai l’impression qu’en une année on a fait à peine 5% de tout ce qu’on aurait pu faire. Mais bon, on a vécu notre voyage à notre manière, et pour rien au monde je ne changerais ça, c’est un magnifique souvenir.
Au retour de ce long périple, tu n’es plus tout à fait le même…
À mon retour, j’ai peur de retomber dans la routine professionnelle qui avait fait grandir en moi un besoin d’évasion et m’avait fait partir pour explorer d’autres contextes. Je me sens mieux armé pour prendre mon destin en main…. Je me rapproche alors de Thomas Peccoux, qui travaille dans la même entreprise que moi, et en discutant nous nous rendons compte que nous avons une aspiration commune, celle d’entreprendre. Alors on décide de le faire ensemble, et on s’est ainsi qu’on s’est lancé dans un projet qui a donné naissance il y a quelques mois à peine à A2P.
C’est un Rugbyman, Thomas ?
Non, Thomas ne fait pas de Rugby ! C’est lui aussi un sportif, tout jeune retraité du foot. Si le ballon avec lequel il a joué est rond, il aurait tout aussi bien pu être ovale… il a totalement l’esprit Rugby !
Présente-nous A2P… quel est votre métier ?
A2P est une entreprise d’aménagement extérieur. Certains nous qualifieraient de paysagistes mais ce n’est pas le cas car on ne s’occupe pas de la partie plantation végétale. On intervient pour la partie terrassement et maçonnerie, principalement chez les particuliers, pour des projets de maçonnerie paysagère tels que terrasses, cours, allées, béton décoratif, terrassements, murets, etc…
Thomas a une formation en BTP, maçonnerie et conduite d’engins, et quant à moi j’ai été formé à la base dans l’assistance à l’ingénierie, la maintenance et le développement industriel. Mais après avoir œuvré quelques années dans l’industrie, j’ai vraiment eu besoin de travailler dehors, sur le terrain… c’est pour ça que très rapidement je me suis orienté dans le secteur du Génie Civil.
Vous venez tout juste de commencer votre activité… comment vous y êtes-vous pris pour décrocher vos premiers clients ?
Comme c’est le cas pour la majorité des créations, on a obtenu nos premiers chantiers grâce au bouche à oreille. Thomas et moi sommes tous les deux de la région, on connaît beaucoup de monde… la famille… les amis du Rugby et d’ailleurs… tout ça compte quand tu te lances ! Et puis on essaie d’utiliser aussi à fond les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, Linked’In… ça permet de montrer nos réalisations à un grand nombre de personnes. Pour l’anecdote (mais pas que !), notre plus gros chantier à ce jour nous a été confié par un couple de retraités qui nous a contactés grâce à notre page Facebook.
C’est quoi ton quotidien de « néo-entrepreneur » ?
Comme tous ceux qui bossent dans ce secteur d’activité, je me lève tôt et on se rejoint au bureau avec Thomas vers 6h30. Tout en prenant un ou deux cafés on s’occupe pendant une petite heure de la partie administrative (devis, factures, etc…). Ce n’est pas la partie du boulot qu’on préfère, mais comme c’est le nerf de la guerre, on s’y colle à fond.
Puis après avoir organisé notre journée et listé les objectifs à atteindre, on file sur les chantiers pour réaliser ensemble la partie technique des projets. C’est une activité dans laquelle tu as besoin d’être au moins à deux, car tout seul, tu ne fais pas grand-chose. Une fois revenus au bureau, on refait un peu d’administratif (devis, commandes fournisseurs…), et on repart chacun de son côté visiter les prospects en vue de pouvoir décrocher de nouveaux chantiers et d’élaborer de nouveaux devis… bref, tu l’auras compris, on ne s’ennuie jamais !
Et c’est le même programme pour tous les jours de la semaine ?
On s’octroie juste un extra dans ce rituel journalier… le vendredi en fin de journée, on prépare la semaine suivante tout en sirotant quelques bières, histoire d’honorer le travail de la semaine écoulée, et d’aborder le week-end qui vient sous les meilleurs auspices.
Vous n’avez pas peur de vous installer dans une routine ?
Non, la routine, chez nous, ça n’existe pas et ça ne peut pas exister ! À chaque fois les projets, les demandes, les chantiers, les contraintes, les matériaux utilisés sont différents. Notre volonté, c’est vraiment de répondre et de nous adapter aux besoins spécifiques de chaque client pour qu’il soit pleinement satisfait.
Ce n’est pas trop difficile comme boulot ?
Notre travail reste très physique, malgré la grosse évolution en termes de matériel et de matériaux, et comme nous sommes sans arrêt dehors, on est sans cesse confrontés au bon vouloir de la météo.
Mais j’aime vraiment… j’aime voir les clients satisfaits devant nos réalisations, c’est super valorisant. Nous travaillons chez les gens comme si c’était chez nous, on prend à cœur les moindres détails afin d’arriver à une satisfaction totale. Le résultat, c’est qu’on développe quasiment toujours des relations sympas avec nos clients… Il n’est pas rare qu’on fasse un petit casse-croûte avec eux ou qu’ils nous offrent le petit café du matin et celui de l’après-manger… ça c’est un signe qui ne trompe pas !
Alors, tu es heureux dans ton nouveau statut d’entrepreneur ?
C’est bien sûr une expérience très prenante, mais je suis heureux de la partager avec Thomas car nous sommes tous les deux très complémentaires. Et puis, c’est tellement agréable et motivant de se lever le matin en se disant qu’on travaille pour soi et qu’on a de comptes à rendre à personne d’autre qu’à nous-mêmes.
Tu connais bien Annecy car tu es un enfant du pays… qu’est-ce qui fait le charme de cette cité pour toi ?
Le charme d’Annecy, c’est d’abord la beauté de cette ville, qu’on surnomme « la Venise des Alpes » à cause de son lac et de ses canaux qui parcourent la vieille cité. C’est un endroit extrêmement vivant, aussi bien l’été avec le lac et toutes les activités balnéaires, les randonnées, les évènements qui lui sont liés, que l’hiver avec toutes les activités liées à la neige offertes par les montagnes voisines. Et que dire des savoureux fromages qu’on peut déguster dans la région… les raclettes, les fondues et autres reblochonades, etc… sans oublier le petit génépi qui va bien pour terminer un bon repas!
Quelques lieux emblématiques qui sont pour toi des incontournables ?
Parmi les lieux emblématiques de la région, celui que je préfère est sans doute le point de vue en haut du Mont Veyrier… On ne se lasse jamais du magnifique spectacle qu’il offre sur Annecy et son lac ! Bien entendu, je connais aussi pas mal de petits coins très sympas autour du lac, mais je ne t’en dirai pas plus car je tiens à les préserver un peu des innombrables touristes qui viennent nous visiter l’été… Je leur laisse le soin de les chercher et de les trouver eux-mêmes. Et puis bien sûr, il y a pour moi un lieu mythique à Annecy… c’est le magnifique terrain de l’U.S. Annecy, au Stade des Fins !
Et des lieux emblématiques pour les Rugbymen locaux ?
On se retrouve souvent les potes à « La Buvette du Marché », dans la vieille ville. On passe de super moments là-bas… La patronne, grande fan de Rugby, est très sympa et nous laisse gérer le son comme on veut, sans qu’on ne se fasse jamais virer, ce qui objectivement pourrait potentiellement nous arriver en d’autres lieux ! Bref, on y est comme à la maison. Sinon l’été on aime bien se retrouver au « Moon » ou à « L’Oasis »… les pieds dans l’eau, c’est super festif.
À qui souhaites-tu adresser un clin d’œil particulier à l’occasion de ton Portrait « Puissance 15 » ?
Pour commencer à ma famille qui m’a toujours aidé et encouragé dans tous mes projets, professionnels ou autres.
Ensuite, comme je suis un mec et que j’ai constamment besoin de marquer des points, j’adresse un gros clin d’œil (et plus que ça !) à ma copine, Léa, une Bordelaise que j’ai rencontrée en Australie et qui depuis m’a rejoint à Annecy… Tu vois, il aura fallu qu’on aille tous les deux à l’autre bout du monde pour se trouver… c’est dingue non ?
Et puis bien sûr j’envoie un amical bonjour à tous mes potes du Rugby, et à toutes les personnes qui m’ont tendu la main à travers le monde.
Pour terminer en musique, tu nous fais écouter quoi ?
Une musique ?… Allez, j’en remets une couche pour peaufiner mon quota de points vis-à-vis de Léa… ce sera « Believe », de Cher !
« Believe » – Cher
Et ta passe « Puissance 15 », tu la fais à qui ?
Je passe le ballon à Vincent Vial, pilier au C.S. Vienne… lui aussi International Suisse et… entrepreneur !
Alors OK… après Jonathan Wullschleger, Ludovic Perruisset, Clément Bärtschi (reportage en cours) on va continuer avec plaisir la saga des « Internationaux Suisses Entrepreneurs » !
Interview : Frédéric Poulet
Crédits Photos : Photos Rugby : archives personnelles de Ludovic (crédits identifiés indiqués dans légendes des photos) / Drapeau suisse : Pixabay / Blason Cruseilles : Wikipedia – Jean dit le Conte – CC BY-SA 3.0 / Drapeau italien : Pixabay / Canaux Annecy : Wikipedia – Daniel Culstan – Travail Personnel – CC BY-SA 3.0 / Bouée : Fotolia F162226948 / Accordéon : Unsplash
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