L’homme à droite sur cette photo a été doté par les Dieux du Rugby du don de prémonition au sujet de la destinée ovale de celui qui est à gauche…
Ainsi l’affaire était-elle pliée depuis belle lurette, et malgré son entêtement à vouloir porter le n°2 des talonneurs, Vincent Vial sera bien obligé de céder et de porter le n°3, celui des piliers droits. Il faut dire que le jour où il se pencha sur son berceau, Casi donna le surnom de « Garuche » au nouveau-né déjà bien gaillard… « Garuche », en hommage à Jean-Pierre Garuet, l’ancien Lourdais qui pendant de longues années fit couiner plus d’un britannique (entre autres !) à droite de la première ligne du XV de France. Élevé à la sauce du Rugby Rambertois, (celle qui lie tous les Vial, femmes compris, et ce n’est pas Noémie qui dira le contraire !) depuis que Marius, l’aïeul, lui a donné vie dans la cité drômoise dans les années 1920, « Vincent-Garuche » connaît un beau parcours ovale… Après les maillots de Saint-Rambert-d’Albon, d’Annonay, de Romans, de Villeurbanne et de Mâcon, c’est désormais avec celui du C.S. Vienne qu’il poursuit sa route… Une route qui, grâce à Suzanne, lui a aussi fait croiser avec grand bonheur celle de la Nati, l’Équipe Nationale Suisse… Merci Vincent… Merci… Garuche !
Bonjour Vincent… Dis-moi, t’est-il déjà arrivé de rater un bus ?
Non, jamais !… Ah ! Remarque… maintenant que tu me le dis… si… une fois ! Mais si tu veux bien je te raconterai ça un peu plus tard…
OK j’espère que je n’oublierai pas d’y revenir tout à l’heure… Mais j’ai une autre question qui me taraude à ton sujet…
Ah bon ?… Laquelle ?
Ben… Tu t’appelles Vincent, et tout le monde t’appelle « Garuche » … Comment ça se fait ?
Ça, c’est à cause de (ou grâce à ?) Casi…
C’est qui Casi ?
Casi, c’est le surnom de Jean-Michel Descours, un vieux pote de mon père… ancien rugbyman Rambertois, comme lui. Quand je suis né, un beau jour de juin 1994, il est venu rendre visite à mes parents à la maternité, et quand il m’a vu déjà gaillard dans mon berceau, il a la bonne idée de dire : « Ah celui-là, ça va être un p’tit Garuche ! »… en hommage à Jean-Pierre Garuet, l’ancien pilier (droit !) international Lourdais… Et ça m’a toujours suivi !
D’ailleurs, ça m’a tellement suivi qu’encore aujourd’hui, il y a pas mal de gens que je croise qui pensent que c’est mon vrai nom… Tu leur parles de « Vincent Vial », ils ne savent pas qui c’est, mais par contre si tu leur parles de « Garuche », là ils savent ! Bref, dans beaucoup d’endroits, mon surnom est plus connu que mon prénom… Pour te dire, même La Poste y perd son latin… je reçois régulièrement des colis adressés à « Vincent Garuche Vial » ! Donc, depuis toujours on m’appelle « Garuche »… c’est ainsi, je n’ai pas eu le choix… je le dois à « Casi-le-Baptiseur » qui a d’ailleurs déjà donné un surnom à pas mal de Rambertois !
Tu as parlé de « Rambertois » … C’est quoi un « Rambertois » ?
C’est un habitant de Saint-Rambert-d’Albon, cité de 7000 habitants située dans le Nord de la Drôme, aux confins de l’Isère, de l’Ardèche et de la Loire. C’est là que j’ai grandi, dans le berceau de ma famille paternelle. Jean-Yves, mon père, est un pur Rambertois… Ça fait des générations que les Vial sont installés à Saint-Rambert-d’Albon.
Saint-Rambert-d’Albon, Drôme (26)
Ta maman est Rambertoise elle aussi ?
Elle l’est devenue avec le temps, mais au départ, ma mère, Lucienne, est originaire de Masevaux, commune du Haut-Rhin, ce qui me vaut d’être aussi très attaché à cette belle région Alsacienne.
Quel contexte familial est le tien quand tu débarques sur la Planète Ovale ?
J’arrive en queue de peloton d’une fratrie de trois, et je suis précédé par un grand frère, Florent, de 11 ans mon aîné, et par une grande sœur, Anatalie. Je suis donc le petit dernier…
Et d’après ce que j’ai cru comprendre, tu vas être porteur, comme tous ceux de ta famille, du chromosome « Rugby »…
C’est ça ! J’arrive dans une famille où le Rugby est pour ainsi dire une religion ! On tient ça de notre aïeul, Marius Vial, mon arrière-grand-père, qui dans les années 1920 a été le premier Président du club de Rugby de Saint-Rambert.
Chez les Vial, tout le monde a joué, ou joue encore à Saint-Rambert : mon père, mon oncle, mon frère, mes cousins … Même ma mère et ma sœur ont joué, à une époque où une section Féminines s’était montée ! Donc quand mon tour est venu, je ne me suis même pas posé la question… je m’y suis mis aussi. C’était comme une évidence, un truc inexplicable à expliquer… D’ailleurs jamais personne ne m’a demandé d’explications tellement c’était naturel !
Parle-moi un peu des Vial qui t’ont précédé sur le pré…
Mon père a joué à peu près à tous les postes et plus spécialement 3ème ligne aile. Il a eu une longévité sur le pré hors du commun, car il n’a rangé ses crampons qu’à 53 ans ! Il avait 43 ans quand il a fait son jubilé (qui avait été baptisé « OVIALIE » en clin d’œil à notre nom de famille), mais c’était un faux départ, puisqu’il n’a pas pu s’empêcher d’enchaîner dix saisons supplémentaires…
Florent, mon frère, jouait ¾ centre, Christian, mon oncle, talonneur. Mes deux cousins, Cédric et Sébastien, portent aujourd’hui le maillot Rouge & Blanc de Saint-Rambert, et forment la charnière du club, respectivement en 9 et 10.
Comme tu le vois, un Vial, ça peut donc jouer aussi bien devant que derrière ! Et quand j’étais gamin, le dimanche chez nous, on n’allait pas à la messe… on allait au Rugby, car il y avait toujours un gars de notre famille à aller voir jouer !
Quand vas-tu faire tes grands débuts au Racing Club Rambertois Rugby ?
Dès l’âge de 4 ans, en 1998. Mais la première année, je me contente uniquement « d’entraînements » au bord du terrain avec quelques copains, car je dois attendre d’avoir 5 ans pour obtenir la « vraie » licence, celle qui donne le droit de commencer à vivre de grands moments d’exaltation : les tournois des écoles de Rugby, les goûters avec les copains, les déplacements en bus, côtoyer les grands, entendre pour la première fois des chansons paillardes etc…
C’est à cette époque que tu découvres ceux qui vont devenir pour toi des héros…
Oui, tous ces « grands » que j’allais voir jouer en Équipe Première du R.C.R.R. quand j’étais gamin, comme par exemple les frères Peillet, Rémi et Michaël, Mickaël Madelon, Stéphane Duchamps… Ils jouaient avec mon frère, et mon père les a entraînés dans les catégories Jeunes et plus tard quand ils étaient Seniors… Moi, j’essayais de les suivre partout et effectivement, c’étaient mes héros, en particulier quand ils ont été Champions-Drôme Ardèche de 4ème et de 3ème Série… Certes ce n’est pas le plus haut niveau du Rugby, loin de là, mais pour nous, ces boucliers avaient la même valeur et la même saveur que le Brennus, et ils étaient autant fêtés. Tous ces personnages ont énormément contribué à me faire aimer le Rugby et ses valeurs.
Tu te souviens de ton premier entraîneur ?
Bien sûr ! C’était Laurent Girard, un ancien pilier (droit !). Plus de 20 ans après, Laurent est une personne à laquelle je suis resté très attaché, comme énormément de Rambertois. Il tient « La cabane à Lolo » à Saint-Rambert, où j’ai le plaisir de retrouver les potes du Rugby les vendredi midi (entre autres !) autour d’une magnifique entrecôte-frites, la spécialité de l’établissement… Un moment sacré que je ne louperais pour rien au monde !
Tu fais donc tes premiers pas à Saint-Rambert… Il se passe quoi ensuite ?
Vers mes 11 ans, je reste licencié à Saint-Rambert, mais je rejoins Annonay (distante d’une vingtaine de kilomètres) et ses écoles de Rugby (celles du C.S. Annonay et du S.O. Annonay) avec lesquelles nous étions en entente. Toujours entraîné par Laurent Girard, qui lui aussi avait suivi le mouvement en direction d’Annonay, c’est dans la cité ardéchoise que je vais commencer à lier des amitiés durables, comme par exemple avec Antoine Grange et Jocelyn Arnaud, avec qui je joue aujourd’hui à Vienne, ou encore Gaëtan Ulivi, qui joue à Saint-Rambert, et Julien Royer, avec qui je suis toujours resté très proche.
Je garde de supers souvenirs d’Annonay où je vais faires mes classes Minimes et Cadets, avec de bons souvenirs comme par exemple nos participations aux Tournois du Queyras, de Saint-Marcel-les-Valence, de Roche-la-Molière. On n’en a pas gagné un car on se faisait toujours barrer soit par Saint-Marcel soit par Romans… mais on n’a jamais été loin et c’étaient de super bons moments.
À Annonay, le Drômois que tu es va découvrir et apprendre une chanson par cœur…
Oui, c’est bien sûr là-bas que je vais apprendre à chanter « L’Ardèche », aujourd’hui bien connue à peu près dans tous les coins de la France Ovale, depuis qu’Anthony Frenet, natif d’Annonay, l’a chantée dans les vestiaires de Villeneuve d’Ascq en 2013, alors qu’il était capitaine de l’US Bourg qui venait d’accéder à la Pro D2.
Anthony Frenet – « L’Ardèche »
À quel poste as-tu été formé ?
Je vais effectuer tout mon apprentissage rugbystique au talonnage. Comme tu le verras plus loin, la « prédiction » de Casi, qui dans mon berceau me voyait déjà en pilier droit, ne se réalisera que bien plus tard dans ma carrière…
Après Annonay, que se passe-t-il pour toi ?
J’intègre le Centre de Formation de Romans, alors dirigé par Anthony Chiché, qui a été mon dernier entraîneur à Annonay. Je partage cette aventure avec Julien Royer, pilier gauche, avec qui je vais cohabiter durant mes années romanaises. Après neuf saisons passées chez les Damiers, Julien vient tout récemment de quitter le VRDR (Valence Romans Drôme Rugby) pour rejoindre Aurillac où il continuera de jouer en Pro D2 l’année prochaine.
À Romans, je vis mes années Crabos et Reichel au sein du regroupement baptisé « Rovaltain XV », une entente créée avec Valence, Tain et d’autres clubs drômois pour pouvoirs se frotter au plus haut niveau national.
De bons souvenirs de ton passage à Romans ?
Sous ce maillot du Rovaltain XV, on fait une belle saison en 2ème année Crabos, où on perd en 1/8ème de finale contre le Stade Toulousain qui finira Champion de France, avec dans ses rangs les Baille, Marchand, Ramos, Bonneval pour ne citer qu’eux… Un super souvenir d’une belle épopée, partagée par une sacrée bande de copains qui est allée puiser au fond d’elle tout ce qu’elle avait à donner.
Grâce à la confiance que Patrice Froment et Cédric Chaubeau placent en moi, j’ai aussi la chance de pouvoir intégrer le groupe « Première » de l’USRP, ce qui me vaut de faire des matchs en B alors que je suis encore très jeune, et deux excursions en « Une » où je me frotterai à La Seyne-sur-Mer et à Dijon.
Je retiens aussi de mon passage à Romans la ferveur du public pour ses « Damiers », et je garde le souvenir de tous ces guerriers habillés de « Noir & Blanc », capables de tout donner pour leur maillot. Entre autres, j’ai joué là-bas avec Sylvain Vernissat et Romaric Faure, que je retrouverai plus tard eux aussi à Vienne. Ce qui est sûr, c’est que compte tenu de mes origines drômoises, je me considère profondément Romanais…
Et puis après Romans, tu prends la direction de Lyon…
Exact ! En 2015, j’ai 21 ans et, prêté par l’U.S.R.P., je rejoins les Espoirs du L.O.U. À Romans, Patrice Froment voulait absolument me faire jouer pilier droit (subissait-il sans que je le sache l’influence de Casi ?), et moi je voulais en faire qu’à ma tête… Non, pas question, je ne voulais pas jouer à droite… je voulais continuer à jouer au talon !
Ça se passe comment à Lyon pour le talonneur têtu ?
Plutôt pas mal ! Je vis une superbe saison… On va jusqu’en ½ finale du Championnat de France Espoirs, où après y avoir cru, on sera stoppés par Mont-de-Marsan. On mène 15 à 3 à la mi-temps, et on perd 21 à 18 ! J’ai eu la chance de partager cette aventure avec des gars comme Dylan Cretin, Baptiste Couilloud, Hamza Kaabeche qui jouent aujourd’hui au plus haut niveau, mais aussi avec Julien Hervouet, Théo Roche, Rémi Molénat, Malory Piet, avec qui je porte le maillot du C.S. Vienne… Ça reste pour moi un moment très fort de ma carrière rugbystique.
Et après cette belle saison, tu rejoins le bercail de l’U.S. Romans Péage ?
Je l’envisage dans un premier temps… mais je ne veux toujours pas jouer pilier droit !
Alors… tu fais quoi ?
Je pars à l’ASVEL, qui vient tout juste de monter en Fédérale 1 et où je suis engagé comme… talonneur. Entraînés par Romain Veniat et Pascal Peyron, on fait une assez bonne saison à ce niveau et on se maintient en finissant sixième de la poule. Pour l’anecdote, à Villeurbanne, je suis en concurrence au talonnage avec Julien Véniat, qui m’entraîne aujourd’hui à Vienne… Ce genre de retrouvailles est fréquent dans le petit monde d’Ovalie !
À l’aube de la saison suivante, tu es contacté par une grosse écurie de la Fédérale 1…
Oui… à l’appel de Julien Lestang, qui me connaissait bien puisqu’il entraînait les Espoirs du L.O.U. quand j’y étais, je signe à l’A.S. Mâcon pour la saison 2017/2018. Le club est alors coaché par le duo Roger Ripol (aujourd’hui entraîneur des avants de Biarritz) et Julien Lestang (aujourd’hui entraîneur à l’ASVEL, devenu Stade Métropolitain). J’avais besoin d’un nouveau challenge et une grosse envie de progresser… et je n’ai pas été déçu !
Donc, quand tu arrives à Mâcon, n’en déplaise à Casi, c’est bien pour jouer talonneur ?
Bien sûr ! Et je me retrouve là-bas en concurrence à ce poste avec de sacrés clients : l’international Fidjien Sunia Vuli Koto, l’international Géorgien Simon Maisuradze, Mickaël Carmona… bref, du sérieux ! J’arrive à m’en sortir à peu près en début de saison, jusqu’au jour où je reçois un appel de David Nicaise et d’Olivier Nier, entraîneur de la Sélection Suisse…
Ils te disent quoi, David et Olivier ?
D’abord, David me confirme que je coche toutes les bonnes cases pour pouvoir jouer avec le XV de l’Edelweiss (tu sauras bientôt pourquoi !), et Olivier me propose de participer à un match de la Nati contre la Côte d’Ivoire programmé le 3 février 2018 à Hermance (Suisse)… Ce que j’accepte évidemment avec grand plaisir et beaucoup d’honneur !
Et ?
À peine arrivé au premier regroupement de la Sélection en vue de préparer le match, Olivier me dit : « Bon… Vincent… il faut que je te dise quelque chose de très important… Avec moi tu ne joueras pas talon… Tu vas jouer… pilier droit ! ».
Tu t’es dit quoi à ce moment-là ?
Ben… qu’avec mes 125/130 kilos, c’est vrai que j’avais visiblement plus un profil pour jouer en 3 qu’en 2… Et je me suis dit aussi que Casi, décidément, était très fort, et qu’il ne lâcherait jamais l’affaire !
Alors ?
Alors j’ai abdiqué… j’ai dit « OK… Banco sur le 3 ! ». Mon côté « Garuche » prenait le dessus sur mon côté « Vincent » …
Tu regrettes ?
Non, pas du tout ! En fait le match s’est super bien passé pour moi… tellement bien même qu’à peine rentré de Suisse, je vais voir les entraîneurs de Mâcon le lundi matin pour leur dire : « Ben voilà… je ne veux plus jouer au talon… Je veux jouer à droite ! ». Grâce à ma première cape avec l’Équipe Nationale de Suisse, ce que beaucoup de personnes me disaient depuis longtemps était enfin devenu une évidence pour moi !
Les coachs Mâconnais t’ont entendu ?
Oui, Roger Ripol et Julien Lestang me font confiance, et dès le lendemain, je m’entraîne à droite de la mêlée. Le dimanche suivant, je me retrouve remplaçant à droite pour le déplacement à Hyères-Carqueiranne, et je rentre dans les dix dernières minutes du match. On est menés au score… mêlée dans leurs 5 mètres… essai de pénalité sur notre poussée… Je ne pouvais pas rêver mieux pour fêter mon entrée officielle en n°3 ! Depuis ce jour-là, je n’ai plus jamais quitté ce poste…
Au final, comment se passe ton séjour à Mâcon ?
On fait une magnifique saison 2017/2018, qui se termine en ½ finale du Trophée Jean Prat sur une défaite face à Lavaur, qui finira Champion de France au tour suivant. Pour ce match, j’avais en face de moi Saimone Taumoepeau, l’ancien All-Black qui avait été Champion du TOP 14 avec Castres en 2013.
Mon passage à Mâcon a été une révélation pour moi, j’y ai passé un cap… C’est là que j’ai commencé à jouer à droite, et il y a eu cette superbe épopée avec une ½ finale à la clé. On avait un groupe franchement monstrueux, avec des joueurs de très grande qualité… des Jérôme Dufour, Pierre Birembaut, Adil Achahbar, Ioan Debrach… pour ne citer qu’eux, mais sans oublier tous les autres. J’ai beaucoup progressé là-bas en maturité.
Mais cette aventure va se terminer…
Oui, malheureusement, mon aventure avec l’A.S. Mâcon va se terminer prématurément. Juste avant le ¼ de finale aller à Nantes, j’apprends que je fais partie d’un groupe de 22 joueurs qui ne sont pas conservés pour la saison suivante. Sur le coup, ça m’a beaucoup affecté, mais j’ai continué à me donner à fond jusqu’au bout pour le groupe. La victoire à Nantes reste pour moi un exemple de l’état d’esprit qui nous habitait, et a été saluée par un incroyable public nantais qui nous a applaudi à l’issue d’un match très serré.
Tu quittes Mâcon et la Bourgogne pour aller où ?
Je descends un peu plus au sud, à Vienne… située à trente minutes de mes racines Rambertoises. Le C.S. Vienne, où je me prépare à attaquer ma quatrième saison aujourd’hui, est un club que j’ai toujours suivi depuis que je suis gamin. Je connaissais déjà énormément de gars qui y étaient et avec qui j’avais déjà joué dans le passé, comme Josselin Pivot, Romaric Faure, Sylvain Vernissat… C’était un plaisir pour moi de les retrouver sous les couleurs « Ciel & Blanc » du C.S.V. Aussi, quand Matthieu Lazerges et Benjamin Ollivier, les entraîneurs de l’époque, m’ont appelé, je leur ai dit : « Feu ! C’est parti… j’arrive ! », et mon intégration s’est faite de la meilleure des façons possibles.
Parle-moi un peu du Rugby à Vienne…
Le Rugby est très ancré à Vienne, le C.S.V. est dépositaire d’une longue et glorieuse histoire, celle des « Drapiers ». Le club peut compter sur une armée de bénévoles et un public toujours nombreux qui se presse les jours de matchs au Stade Jean Etcheberry pour venir nous voir jouer sur le terrain d’honneur baptisé du nom de l’illustre Jacky Bouquet.
J’ai retrouvé à Vienne les valeurs qui m’ont été inculquées à Saint-Rambert-d’Albon… la proximité des mentalités est certainement liée à la proximité géographique des deux villes.
Le C.S. Vienne est entraîné par Julien Véniat et Philippe Buffevant, et nous allons aborder la saison 2021/2022 dans la poule 2 (celle des clubs de l’Est de la France) du Championnat de Fédérale 1. Une poule relevée, dans laquelle nous serons en compagnie de Macon, Bédarrides, Berre, Nuits-Saint-Georges, Châteaurenard, Hyères-Carqueiranne, Rumilly, Stade Métropolitain, Issoire, La-Seyne-sur-Mer… Notre objectif est d’y figurer en haut de tableau.
Si j’ai bien compris, tu es aussi International Suisse… Comment se fait-il que tu puisses jouer avec la Nati ?
C’est grâce à Suzanne, ma grand-mère maternelle, qui habite en Alsace et dont le père était natif du Canton d’Argovie en Suisse ! Et cela me permet ici de faire un gros clin d’œil à toute ma famille alsacienne…
Quel est ton parcours au sein du XV de l’Edelweiss ?
J’ai honoré neuf capes à ce jour, et jusqu’à présent mon meilleur souvenir dans la Sélection Suisse reste notre victoire sur les Allemands l’année dernière à Heidelberg… un moment historique pour la Suisse qui gagnait l’Allemagne pour la première fois de son histoire.
Ça te fait quoi, de porter le maillot de la Suisse ?
D’abord, laisse-moi te dire qu’il y a dans cette Sélection un esprit de groupe qui est tout simplement extraordinaire. Quel que soit le niveau auquel on joue dans nos clubs respectifs, que ce soit en Suisse ou en France, quand on porte le maillot de la Nati, on est tous pareils. Chacun se surpasse pour se mettre au diapason des autres par le haut, et c’est ce qui fait notre force. On n’est pas payé, on joue uniquement pour le maillot… c’est un tel honneur !
C’est sûr que quand j’ai commencé à jouer à Saint-Rambert quand j’étais gamin, j’étais bien loin de me douter que je porterais un jour le maillot de l’Équipe Nationale Suisse. Aujourd’hui, Je suis fier de ça et du plaisir que j’ai ainsi apporté à ma mère, à ma grand-mère et à tous mes cousins « Alsaciens-d’origine-suisse » … ça me permet de rendre hommage à la partie commune du sang qui coule dans nos veines. Du coup, quand je porte le maillot de la Nati et que « Le Cantique Suisse » retentit dans le stade, je pense immédiatement à Suzanne et je suis carrément transcendé…
Et les Vial, ils viennent te voir jouer quand tu portes le maillot suisse ?
Bien sûr ! Ma famille est venue me voir jouer à Genève Plan-les-Ouates, comme d’ailleurs partout où je joue… Quand ils viennent me voir, il y a toujours au moins une trentaine de Vial dans les tribunes ! Côté sentiments, on est plutôt intravertis dans la famille, mais le Rugby est pour nous un fabuleux pourvoyeur d’émotions… Pas besoin de beaucoup parler… l’important c’est d’y être, et la seule présence des siens est un formidable soutien pour celui qui ferraille sur le pré !
Tu m’as dit qu’au sein de la Nati, vous avez une tradition « culinaire » …
Oui, chaque fois qu’il y a un week-end de regroupement pour un match international, on fait « le repas des régions » le jeudi soir. Chacun amène des produits de son terroir… On prend la casquette « d’ambassadeur » de nos régions respectives, et on casse la croûte tous ensemble sans parler de rugby… on parle uniquement bouffe, chacun essayant de vanter la qualité de ses produits… Ça nous permet d’attaquer l’entraînement sereinement le lendemain !
Et toi tu amènes quoi comme « produits » dans ces cas-là ?
Les spécialités de la Drôme… des ravioles, des caillettes, de la pogne… le tout accompagné d’un excellent Crozes-Hermitage !
Au fait Vincent (ou « Garuche », puisque définitivement tu joues pilier droit…), maintenant que j’y repense… Tu m’as dit au tout début de notre discussion que tu me raconterais dans quelles circonstances, un jour, tu as raté un bus. Je crois que le moment est venu…
Ah ! En fait, ce n’est pas un jour… mais plutôt une nuit ! Et ça ne fait pas si longtemps que ça, parce que je portais déjà le maillot viennois… « l’incident » s’est passé lors de ma première saison avec le C.S. Vienne !
C’était où et c’était quoi le contexte ?
Ben, disons qu’on fait cette année-là une saison un peu galère, avec un nombre invraisemblable de blessés à l’issue du premier mois de championnat. Pour le dernier match, on se déplace à Dijon, et c’est vrai qu’on va là-bas un peu en « roue libre » parce qu’on est sûrs d’être maintenus…
Au coup de sifflet final, après une prestation qui ne restera pas dans les annales viennoises, on encaisse un spectaculaire 76 à 0… Mais comme la saison est finie et que les Bourguignons savent toujours bien accueillir leurs hôtes, on se dirige quand même vers le club-house avec un certain enthousiasme… On ne pouvait qu’être meilleurs à la 3ème mi-temps qu’aux deux qu’on venait de passer sur le pré !
Et ?
Les festivités commencent, les Dijonnais (et nous aussi !) sont ravis de l’ambiance, à laquelle nous, les Viennois, participons grandement. Et à un moment donné (dans ces instants-là, la notion du temps est quelque chose de tout à fait anecdotique), dans un éclair de lucidité, va savoir pourquoi, je décide d’aller poser mon sac dans le car… C’est vrai que rentrer à la maison sans son sac, ça la fout mal… donc je voulais assurer.
Alors tu fais quoi ?
Je sors et je me dirige vers le car, dans lequel sont déjà nos dirigeants, impatients de repartir (surtout après la taule qu’on vient de prendre !), et qui me disent : « Merde, qu’est-ce que vous foutez ? Allez, va leur dire qu’on y va, t’as vu l’heure qu’il est ?!! ».
J’imagine donc que tu apportes le message à tes collègues…
Bien sûr ! Je repars en direction de la buvette, je préviens mes potes, mais… ça ne bouge pas… rien ne se passe ! Au bout d’un (long ?) moment, je repars vers le car histoire de m’assurer qu’il est encore là… et là… plus de car… Merde, ils se sont barrés !
Là… ça a dû être la panique, non ?
Je re-retourne à la buvette :
– « Hé les gars… y’a plus d’car ! »…
– Ouais ouais c’est ça, t’inquiète, t’as qu’à l’croire qu’y a plus d’car ! ».
Bon, ben… OK les gars ! Moi, je suis le seul Viennois présent à savoir qu’on n’a plus de car, mais pris dans (l’excellente) ambiance, je fais comme les autres et je continue les festivités… Jusqu’au moment (mais quelle heure est-il vraiment ?) où Mathieu Cambérabéro, notre capitaine, annonce : « Allez les gars… On y va ! ».
Tu lui réponds quoi à Mathieu ?
– « J’te dis qu’ça sert à rien qu’on y aille… y’a plus d’car ! »… Mais personne ne me croit.
Après avoir dit une dernière fois « Au revoir… et merci pour tout ! » aux Dijonnais, on se dirige vers l’endroit où est censé être le car… Et effectivement, comme je n’ai pas cessé de leur répéter, mes potes prennent enfin conscience qu’il n’est plus là :
– « Merde ! ils se sont barrés sans nous !!! »
– J’vous l’avais dit ! »
Et là… vous faites quoi ?
On appelle le Président, qui nous dit que pour le chauffeur il est hors de question de faire demi-tour, mais qu’avec un peu de créativité une solution sera sûrement trouvée pour notre rapatriement … Du coup, vu qu’on a un peu de temps devant nous, on est tout heureux d’être obligés (quoi faire d’autre ?) de retourner à la buvette !
Et l’épilogue de cette affaire… ça a été quoi ?
Bien sûr, ça nous a valu par la suite une belle engueulade (bien compréhensible) de la part du Président, mais on ne remerciera jamais assez les quelques dirigeants qui sont repartis de Vienne au volant de minibus pour venir nous récupérer au club-house de Dijon, très tard dans la nuit, pour mettre fin à une des soirées les plus mémorables que j’ai vécues avec le C.S. Vienne !
Après, c’est vrai qu’on a fait un peu moins les malins quand il a fallu expliquer à nos femmes que le car était parti sans nous… Cette histoire a fait du bruit dans les chaumières des alentours !
Merci de nous avoir fait partager ce grand moment Vincent ! Un moment comme seul le Rugby sait en donner. Et tiens, d’ailleurs, si le Rugby n’existait pas, il te manquerait quoi ?
Ah ! Si le Rugby n’existait pas, il me manquerait… moi !
J’aime tellement le Rugby que s’il n’existait pas, je pense que je n’existerais pas non plus. Le Rugby est quelque chose de tellement important pour moi… je suis allé même jusqu’à me faire tatouer sur le bras « Rugby is in my blood » … le Rugby est dans mon sang !
Le combat et le dépassement de soi pour les autres sont des dimensions essentielles de notre sport… C’est ce qui fait sa singularité et qui explique pourquoi je l’aime… Tous les gars avec qui j’ai joué et avec qui je joue encore, sont pour moi bien plus que des co-équipiers… Ce sont des frères d’armes !
Allez, quittons un instant ton côté Rugby… Quand « Garuche » n’est pas sur le pré, il fait quoi « Vincent » comme boulot ?
J’ai passé un CAP maçonnerie à l’époque où je jouais à Annonay, et il y a quelques années j’ai créé ma propre entreprise en statut d’autoentrepreneur. Ça marchait très bien, mais cela devenait de plus en plus compliqué de conjuguer ce travail avec les contraintes liées à la pratique du Rugby au niveau Fédérale 1, très chronophage et exigeant. J’ai donc décidé d’arrêter mon activité d’entrepreneur il y a quelques mois. Je construis actuellement ma maison à Chateauneuf-de-Galaure, commune drômoise voisine de Hauterives (où le célèbre facteur Cheval a construit son palais), et à partir de septembre prochain, je rejoindrai le département « Bâtiments » des Services Techniques de Saint-Rambert-d’Albon. Ça me permettra d’avoir une activité professionnelle plus compatible avec ma vie de rugbyman.
Et à côté du Rugby et du côté boulot, tu arrives à avoir une vie ?
Oui, bien sûr ! Une vie que je partage avec Noémie, drômoise elle aussi ! Noémie est une grande sportive, qui a un parcours assez « atypique ». Ancienne joueuse de foot, elle a évolué à haut niveau en D2 à l’Olympique de Valence, et avait le potentiel pour aller encore plus haut. Mais du jour au lendemain, figure-toi qu’elle s’est mise au Rugby !
Au départ elle voulait plutôt faire du 7, mais elle a finalement rejoint les « Panthères » de l’ESSER (Entente Saint-Jean-en-Royans / Saint-Marcellin / Eymieux Rugby), un club qui joue à 10 au niveau Élite, et qui a terminé à la troisième place du Championnat de France en 2019.
Sur le pré, Noémie, c’est tout le contraire de moi… Elle joue dans les lignes arrières et c’est une attaquante à l’état pur, dotée d’un sacré coup de pied grâce à son passé de footballeuse. Elle performe au Rugby comme elle performait déjà au foot… Sincèrement, je crois qu’elle toucherait n’importe quel ballon, elle serait forte.
Décidément, toutes les femmes que tu côtoies de près (ta mère, ta sœur, ta compagne) ne peuvent pas s’empêcher de jouer au Rugby… est-ce l’effet « Vincent » ou l’effet « Garuche » qui opère ?
Ah ça je l’ignore… va savoir, ça doit être la combinaison des deux !
Et à part le Rugby, tu as d’autres occupations « passion » ?
Oui ! Je pratique aussi la boxe anglaise. J’en avais déjà fait quand j’étais gamin, et là je m’y suis remis depuis un an. Je m’entraîne avec Ludovic Nicaise, un Rambertois qui a un beau palmarès. J’apprends beaucoup grâce à lui, la boxe est un art noble, très complémentaire du Rugby, et ça me canalise énormément.
Et puis, depuis toujours, je suis fan de Harley Davidson, et d’un modèle en particulier, la « 1200 Forty-eight ». Il y a quelque temps, j’ai réalisé un vieux rêve de gosse en m’en offrant une ! Pour moi, les tatouages, la Harley… ça fait partie d’un mythe. Je fais quelques sorties avec Florent, mon cousin, qui partage cette même passion pour la moto.
On a l’habitude de conclure chaque portrait « Puissance 15 » par une chanson ou une musique… tu nous proposes quoi ?
J’adore la musique, je ne passe pas une journée sans en écouter et ma palette est assez large… Je suis capable de passer de Joe Dassin à ACDC ou NTM dans la même play-list ! Je regrette vraiment de ne pas savoir jouer d’un instrument… ça, j’aurais vraiment aimé savoir le faire.
Je te propose d’écouter « Where’s my mind », interprété par « Rockin’1000 », un show qui met en scène 1000 musiciens et chanteurs qui reprennent des titres de rock. Ils se sont produits en 2019 au Stade de France.
Rockin’1000 – « Where’s my mind »
Je te propose aussi d’écouter un texte dit par Fabio, le créateur de « Rockin’1000 »… ce qu’il dit me touche beaucoup dans le contexte actuel que nous vivons, on devrait s’en inspirer !
Fabio – L’esprit Rockin’1000
Bon, Vincent, il est temps de se quitter… Mais avant ça dis-moi à qui Garuche va faire la passe « Puissance 15 » ?
Je la fais avec grand plaisir à Rémi Peillet, un de mes héros quand gamin je voyais jouer les Rambertois. Rémi a la particularité d’avoir parcouru le monde et d’avoir joué en… Autriche ! Qui mieux que lui pourra te raconter tout ça ?
À travers Rémi, c’est à l’ensemble du Racing Club Rambertois Rugby que je fais la passe… Ce club auquel je reste tellement attaché et dont je reporterai un jour, j’en suis sûr, le maillot ! Ce sera pour moi la meilleure façon de « rendre la monnaie de la pièce », comme on dit …
Interview : Frédéric Poulet
Crédits Photos : Photos Rugby : archives personnelles de Vincent (crédits identifiés indiqués dans légendes des photos / Blason St Rambert – Wikipedia – TP Tretinville – CC BY-SA 3.0 / Blason Masevaux – Wikipedia – TP Domaine Public / Drapeau Suisse : Pixabay / Bus : Fotolia_80991046 / Bonemine : asterix.fandom/fr/wiki/Bonemine /
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