Cet homme évoluait sur les terrains d’Ovalie, habillé de Rouge et de Blanc, en un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…
Dans son pays de Castelsarrasin, au carrefour d’Agen, de Montauban et de Toulouse, ce n’est qu’à 18 ans que Serge Lannes se mit au rugby, car il devait jusque là peaufiner son formidable pied gauche au football… Un pied gauche qui se révéla bien souvent salvateur pour le Cercle Athlétique Castelsarrasinois des années 60 et 70. Sacré 2 fois Champions de France de 2ème division avec ses copains du C.A.C., Serge connut donc aussi la première division… Beaucoup de ceux qui le connaissent nous ont dit que cet ouvreur d’exception, attaquant inné et redoutable défenseur sur l’homme, avait de la graine d’international, et nous les croyons sur parole ! Profondément ancré dans son berceau Castelsarrasinois, Serge reste aujourd’hui un fidèle serviteur de sa cité et de son territoire, et si vous le cherchez le dimanche à 15h00, allez faire un tour au Stade Adrien Alary, vous aurez de grandes chances de la trouver là-bas en train de supporter les « Rouge & Blanc »… Merci Serge !
Bonjour Serge, La rencontre entre le rugby et toi, ça remonte à quand ?
Castelsarrasin, Tarn-et-Garonne (82)
J’ai poussé à Castelsarrasin, et quand j’étais tout gamin, dans les années 50, avec mes copains, je jouais au foot. Mais il nous arrivait aussi, surtout quand c’était l’époque du Tournoi des V Nations, de jouer avec un ballon de rugby… On jouait à toucher, et on me disait déjà que j’avais certaines prédispositions pour l’attaque! Il faut dire que j’adorais jouer, et j’aimais beaucoup le sport, dans lequel, quelque soit la discipline, je me débrouillais plutôt bien.
En fait, je pratiquais le foot parce que mes parents travaillaient à la CMC (Compagnie Métallurgique Castelsarrasinoise, qui deviendra par la suite Cegedur Péchiney) et, comme la plupart des familles des 1200 personnes qui travaillaient ici, on habitait dans les logements ouvriers de l’usine… On était quasiment « une petite ville dans la ville », et le foot était une des principales activités associatives du site industriel… Tous les gamins y jouaient.
En 1962, à 18 ans, arrivé en Juniors, j’avais énormément de copains qui jouaient au rugby, et comme ça faisait un moment déjà qu’ils me disaient de les rejoindre, eh bien… Je les ai rejoints au Cercle Athlétique Castelsarrasinois! J’ai fait 2 matchs en Juniors, et dans la foulée j’ai été promu à l’aile de l’équipe première pour jouer les phases finales… A l’époque le C.A.C. était en 2ème division.
Et à partir de ce moment « premier », quel fut par la suite ton parcours en Terre de Rugby ?
Donc, après quelques matchs joués à l’aile en ma qualité de « novice », j’ai expérimenté tous les postes des lignes arrières (centre, arrière), pour finalement prendre position à l’ouverture… Et grâce à mon pied gauche, que la pratique du foot avait rendu assez précis, je suis devenu le buteur de l’équipe.
Je fêterai 2 titres de Champions de France de 2ème division avec Castelsarrasin… Une première fois en 67, en battant Oyonnax à Clermont-Ferrand sur le score de 11 à 6, et une seconde fois en 74, à Marmande, en venant à bout de Salles (où jouaient entre autres les frères Plantey) sur le score de 21 à 10.
Je peux dire que j’ai quasiment fait toute ma carrière de joueur à Castelsarrasin (essentiellement en 2ème division, mais aussi en 1ère division, où je jouerai 4 saisons au total), hormis 3 saisons où en 79, à 35 ans, je suis parti chez les voisins de Moissac, à 7 kms de là, comme joueur-entraîneur de l’Avenir Moissagais… Moissac avec qui je monterai en 2ème division, pour y retrouver… Castelsarrasin, à l’occasion de sacrés derbys !
A mon retour de Moissac, à 38 ans, j’entraîne et je joue avec l’équipe II du C.A.C., jusqu’au jour où, à 44 ans (!), l’infirmerie du club étant à bloc (pratiquement toute la ligne arrière était out), on fait à nouveau appel à moi, et à pas mal de trois-quarts de la Réserve, pour jouer en 1ère… Mais pas n’importe quel match… Il s’agit du match du maintien en 2ème division, chez nous, à Castel, contre Périgueux qui, entraîné par l’Agenais Henri Cazaubon, est premier de la poule… Il nous fallait absolument gagner ce match… Et on l’a gagné ! Et 2 semaines plus tard, je remportais aussi avec la II du C.A.C. la finale du Challenge de l’Essor, à Bordeaux, contre l’ASPTT Paris… Quand j’y pense, je me dis qu’en 15 jours, on avait quand même fait très fort !
En fait, par la suite, j’ai réellement terminé ma carrière de joueur à 49 ans ½, à Bressols, un petit club situé à une vingtaine de kms de Castelsarrasin, que j’étais parti entraîner, et celle d’entraîneur à Montech, tout près d’ici aussi. J’ai entraîné les « Coquelicots » de Montech avec Titi Escur de 2005 à 2008, 3 années au cours desquelles, partis de 1ère Série, nous sommes montés toutes les saisons, pour atteindre le niveau Honneur… Tu vois, je m’y suis mis tard au rugby, mais finalement, j’y suis resté actif longtemps… Et je reste aujourd’hui, bien sûr, un fidèle supporter du C.A.C., qui réalise une très belle saison en Fédérale 2 !
Malgré les nombreux recruteurs qui ont essayé de t’en faire partir, tu es toujours resté fidèle à Castelsarrasin… Pour quelles raisons ?
Au tout début de ma carrière de joueur, après avoir passé un C.A.P., j’avais trouvé un travail à Toulouse, et puis, comme je me débrouillais plutôt bien sur le terrain, la Mairie de Castelsarrasin m’a proposé un poste, d’abord à la Menuiserie Métallique, puis à la Régie des Eaux, et ensuite, je me suis occupé de l’ensemble des services de la Ville qui fonctionnaient en régie. Ce poste me permettait de travailler dans ma commune, alors, en retour, ça a beaucoup contribué au fait que je sois resté fidèle aux couleurs de Castelsarrasin, malgré, c’est vrai, pas mal de sollicitations et de propositions d’autres clubs à l’époque… Mais je ne regrette rien, car je me suis toujours régalé sous le maillot « Rouge & Blanc » du C.A.C., au sein de mon club, entouré de ma famille et de mes amis !
Tu gardes bien sûr des milliers de souvenirs de ta longue carrière de rugbyman… Mais si tu devais nous en faire partager uniquement 3, lesquels te reviennent en tête, là, tout de suite ?
J’en ai beaucoup des souvenirs, et je vais te parler de choses qui ici font partie des annales de mon parcours au club… … Tiens, par exemple, je me souviens de ce match, en 1ère division, à Castelsarrasin, contre l’AS Montferrand… Je me fais ouvrir la joue bien comme il faut (il faut dire que j’aimais bien « remuer la viande » en défense)… On me transporte vite fait à la clinique du coin, où on me recoud… Et on me ramène au stade, la tête enrubannée… Et je termine le match, en marquant encore une dernière pénalité… Ce genre de truc, tu ne le verrais plus de nos jours !
Il y a aussi cette ½ finale du Championnat de France, contre Oyonnax, à Avignon ou à Cavaillon, je ne me rappelle plus trop… Il reste quelques minutes à jouer, on a une avance confortable et le match est gagné, quand l’arbitre nous accorde une pénalité, bien placée. Je prends le ballon pour aller buter, quand je me rappelle que ce jour là, c’est l’anniversaire de mon ami Michel Ducos (alias « Zavatta »)… Histoire de commencer à fêter ça, je l’appelle et je lui donne le ballon pour qu’il tape… Ca passe à côté !!!… La faute sans doute à l’émotion !
Et puis, il y a encore, ce fameux match, évoqué plus haut, quand, en 88, à 44 ans, je suis rappelé en 1ère pour disputer le match du maintien contre le leader Périgueux… Là encore, il ne reste que quelques minutes à jouer et, menés au score de très peu, on a déjà presque un pied en 3ème division… On a la possession dans le camp Périgourdin, j’avertis mes lignes arrières que je vais envoyer le ballon en l’air… Chandelle… le cuir rebondit sur la transversale et atterrit dans les bras de notre centre, Michel Gendre, qui marque entre les perches… Le C.A.C. se maintient en 2ème division !
Mais au-delà de ces anecdotes de matchs, je crois que mon souvenir le plus magnifique, c’est le 1er titre de Champions de France de 2ème division, en 67… Un titre qu’on a beaucoup fêté entre Castelsarrasinois, mais aussi avec nos voisins de Montauban qui, 8 jours après nous, étaient Champions de France de 1ère division, en battant Bègles… En cette année 67, le rugby du Tarn-et-Garonne avait fait très fort, et nous en étions tous très fiers. On a été reçus à la Mairie de Montauban, et inversement, on a reçu les Montalbanais dans notre Hôtel de Ville… On défilait dans les rues dans des voitures décapotables, au grand bonheur de tous, et les festivités entre les 2 communes ont duré plusieurs semaines…
Serge, après toutes ces années, finalement, qu’est-ce que le rugby t’a donné de plus important ?
Je suis un enfant du pays, je sortais des logements ouvriers, et c’est vrai que le rugby m’a donné pas mal de notoriété à Castelsarrasin et même un peu plus loin je crois… J’aurais pu en user et en abuser un peu, sans doute, mais j’ai toujours gardé la tête de mes débuts… Je dirai que le rugby m’a permis de m’épanouir pleinement dans mon environnement local, et c’est quand même une chose essentielle.
Tu as poussé et tu as toujours vécu à Castelsarrasin, dont tu es d’ailleurs Conseiller Municipal… Peux-tu rapidement nous présenter ta commune ?
Située à 20 kms à l’ouest de Montauban, sur la route qui relie Agen à Toulouse (distante de 50 kms), Castelsarrasin est la sous-préfecture du Tarn-et-Garonne, et compte 13.800 habitants. Je suis effectivement Conseiller Municipal, membre de la Commission des Sports, et également Vice-Président de « Terres de Confluences », la Communauté de Communes qui regroupe Boudou, Castelsarrasin, Durfort-Lacapelette, Lizac, Moissac et Montesquieu, et dont le siège se trouve sur notre commune.
Au niveau économique, « Terres de Confluences » s’appuie sur 3 zones d’intérêt communautaire : Barrès, Fleury et Borde-Rouge. Historiquement, nous avions une tradition industrielle, dans la métallurgie et le textile notamment, mais la mondialisation et les restructurations qui en découlent sont passées par là… Ici comme partout, ce sont surtout les secteurs du commerce et des services qui se sont développés, et notre région est également une très grande productrice de fruits.
Au niveau touristique, notre région est très fortement positionnée sur le « tourisme vert »… Nous disposons ici d’un riche réseau de chambres et tables d’hôtes, de gîtes et de fermes auberges, de chemins de randonnées pédestres et de cyclotourisme, etc… Nombreux sont les touristes qui viennent goûter à l’accueil et au « bon-vivre » de chez nous !
Si je viens te voir à Castelsarrasin, quels sont les 2 ou 3 endroits que tu me conseilles de visiter en priorité ? Et côté gastronomie, on va manger quoi ?
Tu pourras voir le Canal latéral à la Garonne, qui passe en plein centre de Castelsarrasin, et le Port Jacques-Yves Cousteau que la Ville a aménagé, et si tu aimes faire du cyclotourisme, il y a des dizaines de kilomètres de pistes cyclables aménagées tout le long du Canal, en direction d’Agen d’un côté, et de Toulouse de l’autre.
A Castelsarrasin, tu pourras entre autres visiter l’Eglise Saint-Sauveur, qui date du 13ème siècle. Tu rejoindras également le Chemin de Compostelle, qui passe tout près de la commune, à Moissac notamment, où tu visiteras là-bas l’Abbaye de Saint-Pierre et son cloître, en plein centre-ville, et où tu dégusteras le « chasselas de Moissac », qui est le fruit phare de notre région.
Juste au sud de Castelsarrasin, tu iras aussi visiter l’Abbaye de Belleperche, à Cordes-Tolosannes, et son magnifique cloître du 12ème siècle… Bref, des choses à voir, tu en auras beaucoup ici.
Côté gastronomie, le « gras » (volailles, foie gras, etc…) est l’un de nos fleurons… Tous les jeudis, de novembre à avril, est organisé dans la Halle Occitane de Castelsarrasin le « marché au gras », qui regroupe des éleveurs de canards, oies, dindons et autres volailles de tout le département… C’est un grand moment de « rencontre » entre producteurs et acheteurs, en particulier au moment des fêtes de Noël, où les « concours de gras » (l’un juste avant Noël, et l’autre fin janvier) sont des évènements hauts en couleurs… C’est magnifique !
Ca y est Serge, après la lointaine passe que t’a faite depuis l’Ile Maurice Gérard Guidi, Castelsarrasinois lui aussi, tu rejoins la « Mêlée Puissance 15 »… Et pour faire vivre ce ballon, vers qui vas-tu taper à suivre à ton tour ?
Je remercie énormément Gérard, natif lui aussi de Castelsarrasin et avec qui j’ai joué, d’avoir pensé à moi depuis l’Ile Maurice où il réside. Et ce ballon « Puissance 15 », je vais maintenant l’adresser à Francis Bourgade… Francis jouait n°8 à Montauban, où il a été Champion de France en 1967, avant de venir, quelques années plus tard, jouer avec nous au C.A.C. Et maintenant, on se retrouve toutes les semaines avec Francis et des vétérans du coin pour jouer à la Lyonnaise, un peu partout… A Montauban, à Caussade, à Agen, où on fait des concours en quadrettes !
Site Internet du Cercle Athlétique Castelsarrasinois
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Photos « rugby » de Serge : A. Violle, Jean Gagliolo, extraites de « Une histoire du C.A.C. dans sa ville », de Jean-Pierre Delbouys / Ballon rugby : Fotolia 45759646 / Vue canal latéral de Garonne : Wikimedia Majorstuen CC BY-SA 3.0 / Marché au gras castel photo site ville de castel
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