Le cours de la vie est à coup sûr beaucoup plus excitant s’il ressemble à celui d’une rivière bouillonnante plutôt qu’à celui d’un long fleuve tranquille… Et ce n’est sûrement pas cet ex-champion de kayak qui nous contredira !
Mais en réalité, c’est quand sa destinée s’est emmêlée à celle d’une famille de rugbymen que Philippe Briat, Conseiller Technique Sportif du Comité de Rugby de La Réunion, a définitivement changé le cours de sa vie, allant jusqu’à troquer sa pagaie double contre un ballon ovale. Un ballon avec lequel il vit une passion plus que trentenaire, et qui lui a fait découvrir la magnifique Ile de La Réunion… Merci Philippe !
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Bonjour Philippe, le rugby et toi, vous vous êtes rencontrés dans quelles circonstances ?
Je suis né dans le 15ème à Paris, et j’ai grandi en banlieue sud, à Fontenay-aux-Roses, à Sceaux, puis à Epernay, dans la Marne, et enfin à Tours, à l’époque du lycée… Tout ça en étant très loin du rugby. Bref, rien à l’époque ne me prédestinait à la vie que j’ai finalement eue !
Et puis un jour, au lycée, je fais une belle rencontre dans le milieu du sport scolaire, à l’occasion d’une action de sensibilisation… Ce jour-là, je découvre le kayak. Ca m’a plus tout de suite, et je m’y suis lancé à fond. J’ai rapidement participé au Championnat de France Espoirs, ce qui m’a encouragé à poursuivre dans ce sport à un haut niveau. J’ai fait par la suite 7 championnats de France, avec 3 médailles à la clé, et j’ai participé à quelques compétitions internationales.
Alors que je travaille depuis quelque temps en entreprise dans un service de comptabilité, je passe et j’obtiens mon bac en candidat libre, et là, au grand dam de mes proches, je démissionne pour changer complètement de vie et donner toute sa place à ma passion… Je veux devenir prof d’EPS, et je m’inscris au CREPS de Vichy, option kayak.
A cette époque, je venais de rencontrer Joëlle, qui allait devenir ma femme, et elle faisait partie d’une famille de passionnés de rugby : les frères, les cousins… Dans un triangle « Tours, Chinon, Poitiers », tous étaient dans le rugby, que ce soit en tant que joueurs, entraîneurs ou dirigeants. Très rapidement je m’intéresse donc à ce sport « nouveau » pour moi, et je commence à jouer dans un club de Promotion d’Honneur, à Esvres-sur-Indre. Parallèlement à ça, j’ai un peu de mal à passer au top au niveau du kayak, malgré les 2500 kms passés à pagayer et les 2500 kms de footing annuels, sans compter les 6 heures de musculation par semaine…
Tu es aujourd’hui CTS Rugby à l’Ile de La Réunion… Comment devient-on Conseiller Technique Sportif, et quel avait été ton parcours jusque là dans le monde du rugby ?
Diplôme de professeur d’EPS en poche, j’opte en fait très rapidement pour une carrière à la Jeunesse & Sports comme conseiller technique, plutôt qu’à l’Education Nationale, et ma première affectation dans ce cadre a été Chartres, en Eure-et-Loir, en tant que Conseiller Technique Départemental Kayak et Rugby.
Trois ans plus tard, je suis nommé Conseiller Technique Départemental Rugby d’Indre-et-Loire, à Tours, et je tire un trait définitif sur le kayak.
En tant que joueur, j’ai successivement joué à Chartres et à Joué-les-Tours, puis j’ai été entraîneur à Tours, où nous avons été Champions de France de Fédérale 2 en 1997, et fait une saison en « Elite 2 », l’ancienne PRO D2.
Je suis ensuite nommé Conseiller Technique Régional du Comité « Centre » à Orléans, poste que j’occupe pendant 16 ans, et puis, en janvier 2012, j’ai le grand bonheur d’arriver ici, à l’Ile de La Réunion.
D’un point de vue administratif, le libellé du poste que j’occupe est effectivement « CTS », c’est à dire Conseiller Technique Sportif. Les CTS sont des cadres techniques d’Etat, régis administrativement par le Ministère de la Jeunesse & des Sports, et placés auprès d’un Comité Territorial.
En quelque sorte, sur le terrain, c’est un peu comme si j’avais 3 « patrons » : le premier, c’est bien évidemment mon administration, la Direction de la Jeunesse & des Sports, qui est mon employeur et à qui je dois rendre des comptes en priorité. Le second, c’est le Comité Territorial auprès duquel je suis placé (en l’occurrence celui de La Réunion), et le troisième, c’est la FFR (Fédération Française de Rugby), qui insuffle des orientations nationales devant être déclinées dans chacun des Comités Territoriaux.
Disons que la terminologie « CTS » est plutôt celle utilisée dans l’administration, mais elle est historiquement plus connue sous le terme de « CTR » (Conseiller Technique Régional) dans le monde du rugby.
Quelles sont les missions qui t’incombent à ce poste au quotidien ?
Les missions d’un CTR (ou CTS !) s’articulent autour de 3 grandes préoccupations :
– Le développement de la discipline, c’est-à-dire tout ce qui contribue à l’augmentation du nombre de licenciés : relations avec les écoles (le primaire, le secondaire, l’universitaire), la formation des instituteurs, des profs de gym, les actions de protection et de sécurité des joueurs, les actions de cohésion sociale, les manifestations qui peuvent contribuer à l’aura de la discipline, etc…
– La formation des entraîneurs et des éducateurs des clubs.
– Le haut-niveau local : la détection, les stages, le management des sélections régionales.
Le rugby réunionnais a-t-il été une belle rencontre pour toi ? Quels sont ses atouts, et quelles voies doit-il suivre selon toi pour progresser et se développer de façon plus significative ?
A mon arrivée sur l’île, j’ai été surpris de l’ampleur et de l’aura dont bénéficie le rugby ici, même si, bien sûr, le hand, et surtout le foot sont largement devant.
Déjà, je trouve remarquable qu’il y ait 15 clubs de rugby sur un « petit » territoire comme La Réunion. Et je constate tous les jours qu’il y a une grande implication de la part des dirigeants de ces clubs pour faire progresser leurs joueurs et leurs structures.
Contrairement aux clichés et aux préjugés qu’on peut avoir quand on est en métropole et qu’on ne sait pas forcément de quoi on parle, ça « bosse » réellement beaucoup dans le monde du rugby local pour tirer ce sport vers le haut, et pour moi, c’est vraiment un contexte de travail extrêmement intéressant.
Selon moi, un des axes que doivent absolument privilégier les clubs de rugby réunionnais pour conforter leur développement, c’est de se rapprocher des écoles de façon plus significative. Beaucoup d’instits et de profs d’EPS ont été, et sont formés au rugby, et il faut absolument que les clubs aillent vers eux (par exemple, à l’occasion des grands rassemblements organisés dans le cadre de l’UNSS), il ne faut pas qu’ils attendent que ce soit les gamins qui viennent à eux.
Je suis également persuadé qu’il y a un potentiel énorme ici dans le rugby féminin.
Un autre grand potentiel dans le rugby réunionnais, c’est le rugby à 7. On a ici de très bons talents dans les catégories -16 et -18, qui devraient donner dans quelques années des équipes seniors très performantes. Il suffit juste d’être patient et ne pas brûler les étapes… Une culture, ça ne se bâtit pas en 2 ans, il faut du temps.
Plus globalement, au-delà du rugby, l’Ile de La Réunion toute entière a-t-elle été une belle rencontre pour toi ? Qu’as-tu découvert et appris en vivant ici ?
J’adore cette île, j’adore cette richesse, cette tolérance et cette « communion » que l’on peut palper ici, que ce soit au niveau culturel, ethnique, religieux… Oui je crois que la chose la plus importante que j’ai apprise ici, c’est bien la tolérance.
Une autre chose que j’ai apprise à La Réunion, c’est qu’on peut arriver à agir avec calme. Vu de l’extérieur, cela peut passer pour de la nonchalance, mais ça n’en est pas… C’est du calme : les gens d’ici sont tout autant déterminés que n’importe où ailleurs, et ils atteignent leurs objectifs comme n’importe où ailleurs, mais une de leur grande qualité, c’est de savoir agir calmement et posément… Une belle découverte pour moi, dont beaucoup de « sur-stressés » devraient s’inspirer !
Et puis bien sûr, ce qui est fantastique ici, c’est le climat, qui ajoute encore à la douceur de vivre.
Quels sont les endroits ou les sites que tu affectionnes particulièrement sur l’île ?
En fait j’aime tout sur cette montagne posée au milieu de l’Océan Indien, et je trouve un charme spécifique et particulier à tous les sites que je découvre, sans exception. Ils sont comme la population : complètement différents, mais tous agréables.
Nous passons de zones désertiques à des zones verdoyantes, de la montagne à la plage, en passant par le volcan, les prairies, les cascades, les bassins, les champs de canne, le sable noir, le sable blanc, et tout ça sur 100 kms de long… Mais je crois que tu connais tout ça mieux que moi !
Oui La Réunion est magnifique… Mais juste pour terminer le côté rugby… T’aurait-il manqué quelque chose si tu ne l’avais pas croisé ?
Tout m’aurait manqué… Le rugby, c’est ma passion et je ne veux et ne peux même pas m’imaginer vivre sans lui.
Le rugby, c’est beaucoup plus qu’un sport, c’est une véritable « activité », dans le sens le plus global et le plus vertueux du terme. Il m’a fait croiser des gens merveilleux que je n’aurais pas pu croiser ailleurs, il m’a fait vivre des moments d’une très grande intensité, il m’a fait rire et m’a fait pleurer, et après plus de 30 ans à son service, je suis loin d’en être rassasié !
Et si une chanson ou une musique devait accompagner ton portrait « Puissance 15 », ce serait laquelle ?
Je ne vois pas comment ça ne serait pas « Les copains d’abord », de Brassens…
Les copains d’abord – Georges Brassens
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Portrait « Une » de Philippe : Ph.B / Photo Sélection Réunion 7 -16 : Suzette Boutet
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