C’est dans le Gers, au Pays de d’Artagnan et de la chicane, que cet homme, venu des îles, est tombé gamin dans la marmite du foie gras et du rugby, un sport qui lui apprendra que dans la vie, tout est possible…
Dès lors, le parcours ovale de Patrice Maillot était tracé… Initié dès l’école de rugby par Monsieur Elul du côté de Lectoure (où lui et ses potes s’appliquèrent à mettre une raclée à leurs profs sur le pré), c’est à l’Isle Jourdain que des années plus tard il fut à deux doigts d’être Champions de France… Un plaisir qu’il ne connaîtra malheureusement pas à cause de quelques Sorguais qui en avaient décidé autrement. Et puis, au changement de siècle, à la quarantaine naissante, ce fut pour lui le temps du retour à La Réunion, son île natale, qu’il abordera d’une main de maître… d’école. C’est à Saint-Benoît, aux côtés des Cathala, qu’il reprendra, dans l’Hémisphère Sud cette fois, la « nationale Rugby » comme éducateur, avant que le devoir ne l’appelle plus au sud, à l’Etang-Salé… Oui décidément, dans la vie, tout est possible… Merci Patrice !
Bonjour Patrice, un jour, tu as fait tes premiers pas sur la Planète Rugby… Tu nous racontes tes premiers émois ovales ?
Lectoure, Gers (32)
Il y a bien longtemps que je suis tombé dans la marmite du rugby… Placé dans une famille gersoise, je fus obligé de manger du canard (surtout pour la succulence de leur foie) et de m’initier au rugby. C’était dans mes premières années de collège, sur le terrain de la Croix Rouge de l’U.S. Lectoure (Comité d’Armagnac Bigorre…) : il fallait faire 5 kilomètres à vélo et monter la vieille côte de l’hôpital, et là je rencontrais des Mazonnetto, des Gardeil, des Barthes, toute la fine fleur de Lomagne ! En vérité, c’est Paul Fave, mon père adoptif, qui me fit comprendre et aimer, le premier, ce jeu décapant et belliqueux.
Mon premier éducateur fut Monsieur Elul… Il venait nous chercher le samedi, avec sa voiture personnelle, pour nous emmener « guerroyer » en Astarac, en Bas- Armagnac ou en Val de Save. Certes, on prenait souvent de sacrées raclées, mais à chaque victoire on était les « Champions du Monde » pendant une semaine. Je garde de tous ces moments là le souvenir encore bien vivant que tout est possible au rugby… Même les victoires contre des « All-Blacks » !!
Je vivais dans le pays de d’Artagnan… Un pays où on aimait la chicane, la gloriole et les derbies… Et c’est sans doute à cette époque là que s’est forgé en moi un petit air goguenard à souhait, comme tu peux t’en rendre compte sur la photo ci-dessus!!
Je ne me souviens plus trop si mes premiers émois sportifs étaient ovales, mais il est sûr que le rugby et le sport prendront une grande place dans ma vie et dans celle de mes proches… Ma fille Marie joue aujourd’hui dans la ligne de trois-quarts au TCMS (Toulouse Cheminots Marengo Sports), mon fils Pierre dans le pack de l’Isle Jourdain, et mon frère José à été 3 fois Champion de France de boxe…
Bon, Patrice, tu débutes donc sur le pré de Lectoure… Ensuite, il s’est passé quoi entre le rugby et toi ?
Ensuite, ce furent mes premiers matchs du Tournoi des 5 Nations… Deux samedis de février et deux samedis de mars où, chaque année, installé devant la télé, je « badais » entre autres les Walter Spanghero, les Jo Maso et les Robert Paparamborde… Des guerriers qui battaient plus souvent les Anglais qu’aujourd’hui, mais qui craquaient souvent contre la grande équipe galloise des Gareth Edwards, Phil Benett, Steve Fenwick et autre J.P.R. Williams… Qui n’a pas vu dans ces années là le match des Barbarians (avec un bataillon de Gallois !) contre les All-Blacks de 1973 n’a qu’une idée imparfaite du Beau Rugby !
Un peu de nostalgie… 1973 : le plus bel essai de tous les temps !
A cette époque il me plaisait également à lire « La Mêlée Fantastique » et « Le Grand Combat du XV de France » de Denis Lalanne, ou encore « Les Contes du Rugby » d’Henry Garcia, tout en supportant le R.C. Narbonne et le S.U.Agen de l’époque, avant de suivre la saga du Stade Toulousain des années 80 et 90… J’aimais ces attaquants et j’admirais ces défenseurs.
En 1978, j’ai 17 ans, et je fais mes grands débuts avec les Seniors de l’U.S. Lectoure. On joue alors en Série Régionale, contre des types de 30, 35 ans, pas tous des poètes, sur des terrains gelés ou pelés, quand ils n’étaient pas trempés de boue… Je peux te dire que le « beau jeu » ne s’invitait que de façon inversement proportionnelle au combat qui présidait à des matchs rugueux disputés contre des ennemis ancestraux du Gers et des Hautes Pyrénées…
En 1986, je signe à l’Isle Jourdain, en 2ème division, en tant que numéro 6, où je m’applique en défense car je dois bien dire que l’attaque, pour moi, reste alors un grand mystère… Plus tard, je deviens capitaine de la Réserve en numéro 8, et suis chargé, entre autres, de motiver les troupes pour battre des équipes réputées plus fortes que nous… On perdra malheureusement la finale du Championnat de France de Fédérale B contre Sorgues… Mais 20 ans plus tard, je serai vengé par mon fils, Pierre, qui lui sera champion et touchera le bois !
L’Isle Jourdain, c’est une club formateur qui a vue éclore les Elie Cester, Jean-Claude Skréla, Serge Laïrle, Patrick Tabacco, Karim Ghézal… Fournisseur de nombreuses équipes phares alentours : Auch, Colomiers, le Stade Toulousain.
Dans le même temps commencent pour moi de longues années d’éducateur-entraîneur, fonction que j’assumerai pendant plus de 25 ans, de 1987 à 2014.
Côté Rugby, j’œuvre alors comme éducateur du côté de Saint-Benoît, dans l’Est de l’île, au sein de la JSB (Jeunesse Sportive Benedictine) en compagnie de la famille Cathala, sur des terres où le ballon ovale reste encore un parent pauvre. Puis en 2005, j’arrive à l’Etang-Salé, dans le sud réunionnais, où mes amis Hervé Defienne et David Dubeuf n’ont aucun mal à m’intégrer à l’école de rugby locale. Sur mon temps perdu, j’entraîne alors aussi les Juniors Saléens avec Christian Soria, et nous décrochons un premier titre de Champions de la Réunion. D’autres titres suivront, avec Jérôme Agenor et les terribles Juniors des années 2010…
Et puis, depuis 2011, je préside aux destinées de l’Etang-Salé Rugby Club… Malgré cette lourde responsabilité administrative, la passion du terrain n’est cependant pas retombée, même si le jeu se résume maintenant pour moi à quelques piges avec les « Tamalous », les vétérans de l’ESRC !
Si je te demande, là, de me confier 3 ou 4 « grands souvenirs » de ce parcours ovale, depuis tes tous débuts jusqu’à aujourd’hui… Tu me confies quoi ?
Mon premier grand souvenir reste la victoire en 1979 à la « Saint-Joseph » de Lectoure, l’institution où je faisais mes études. Ce jour-là, les potaches que nous étions défièrent leurs profs sur le pré, et les plus âgés ne purent gagner… J’étais particulièrement déterminé à prouver que mon éducation avait été parfaite jusqu’à l’insolence et, résultat… Certains professeurs ne m’en remercièrent pas ! 1979, c’es aussi une belle année pour le rugby français, avec en point d’orgue un certain 14 juillet où un exploit des plus retentissants eut lieu aux Antipodes, à Auckland,avec la victoire des Bleus sur la terre des All-Blacks !
Mon deuxième souvenir concerne les années de série régionale et de deuxième division à Lectoure et à l’Isle Jourdain où je croisais la route de Christophe Terrain, Wayne Shelford, Max Barrau, Gérard Cholley, Didier Codorniou, Sam Revallier, ainsi que d’un certain Bernard Laporte… Devrais-je éluder les 3e mi-temps de ces longues années où l’on chantait « Les Copains d’abord » puisque nous en étions sincèrement… Au fil de ces longues années se sont tissées d’indéfectibles amitiés.
Les Copains d’abord…
Et puis enfin, comment oublier la tournée au Bostwana en 2007 avec les Juniors de la Sélection de La Réunion ? J’entraînais alors les jeunes avec Sébastien Bertranck, ils remportèrent la Coupe d’Afrique de rugby… et l’on vit Claude Henry se détendre !
Quant aux prochains souvenirs, ils sont à écrire, alors pourquoi pas cette année avec l’Etang-Salé Rugby Club… ?
Justement Patrice, tu es Président de l’ESCR… Tu nous présentes ton club ?
Etang-Salé, Ile de La Réunion (974)
Habillé en « Ciel & Blanc » et jouant sur les terrains du Delgard et du Centenaire, l’Etang-Salé Rugby Club a 25 ans (peut être l’âge de la maturité ?) et possède déjà un glorieux passé d’école du rugby. Bravo aux pionniers Alain Costa, Yves Russier et Patrick Desmoulins d’avoir fait le pari de l’Ovalie à L’Etang Salé dans le milieu des années 90 avec, au fil des ans, des transfuges venus du RC ST-Pierre voisin, dont le futur Président que sera Luc Lebeller, mais aussi Claude Ducros, Olivier Fernandez…
Plus tard, Jackie et Jean-Pierre Lignons placèrent des jalons fructueux avec la première section rugby du collège Simon Lucas, puis Francis Bréheret, Florence et Nicolas Rodor et moi-même, réussiront à concrétiser la labellisation de l’Ecole de rugby demandée par Philippe Meillon et Samuel Mina… Une « première » dans l’hémisphère sud ! Plus tard encore, Fred Féchet lancera l’équipe féminine, (où ma fille, Marie, s’aguerrira !)… Voilà sur quelles fondations s’est construit notre club !
Aujourd’hui, d’autres membres font tourner la machine Saléenne, et je profite de mon portrait « Puissance 15 » pour adresser un grand « merci » à tous ces bénévoles qui s’occupent de toutes nos sections, depuis l’Ecole de rugby jusqu’aux Seniors, sans oublier les féminines et les scolaires. Et j’adresse aussi un Bravo spécial à Stéphane Lacroix, notre trésorier, qui nous invite à une certaine et salutaire sagesse financière, ainsi qu’à Eric Limousin, Secrétaire Général qui en est fort tourmenté… La vie n’est-elle pas faite d’équilibres et de compromis ??
Coachés par Jérôme Agenor et Daniel Bernajusang nos Seniors jouent depuis 3 ans les troubles fêtes dans le Championnat Réunionnais, allant même jusqu’à titiller nos meilleurs ennemis les Saint-Pierrois… Nous essayons de développer un jeu plaisant et offensif basé sur la vitesse et le déplacement des joueurs… Le reste est un secret !! L’objectif est de prendre du plaisir sur le terrain et cela passe par de l’abnégation aux entraînements et un engagement sans faille au service du projet de jeu de l’équipe. Mais seule la victoire sera belle, après deux finales de championnat perdues ces dernières années !
Chez les jeunes, nos Minimes ont été Champions l’an dernier, suivant la trace de leurs aînés les Juniors, 5 fois Champions de La Réunion en 10 ans… Ces bons résultats et la bonne santé de notre école de rugby nous donnent confiance pour aborder l’avenir !
Tu es instituteur de formation, et Directeur d’école… Que peux-tu nous dire de ton métier ?
On ne doit pas faire ce métier par défaut, car il nécessite un investissement permanent auprès des élèves qui nous sont confiés par des parents qui restent les premiers et les derniers éducateurs. Les problèmes surviennent quand on change ces priorités. L’école que je dirige est un établissement confessionnel (une école privée catholique) avec un projet éducatif spécifique. Le rôle du directeur que je suis consiste à réussir à animer l’équipe éducative et à construire le vivre ensemble avec les partenaires. Il assure la responsabilité administrative, pastorale, gestionnaire et pédagogique de l’établissement. La relation avec les enfants s’impose comme le moteur principal de cette profession de grande espérance dans l’éducabilité de tous. L’école Saint-Joseph de Cluny de Saint-Louis compte 466 élèves, 17 enseignants, un dispositif ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire), qui permet la scolarisation des élèves en situation de handicap… C’est mon plus grand défi professionnel que celui de répondre aux exigences de l’Education Nationale tout en proposant les valeurs chrétiennes !
Qu’est-ce que le rugby t’a appris, ou t’a apporté, de plus important dans ta vie d’homme ?
Le rugby m’a construit physiquement et mentalement. C’est un sport fédérateur et responsable où chacun doit savoir où est sa place et quel est son rôle. Que l’on soit éducateur, joueur, dirigeant, bénévole ou supporter, l’important c’est le club ! Le sport en général est au service de la citoyenneté : on parle ici d’exemplarité sur le terrain et hors du terrain, et le vrai caractère de chacun se révèle dans l’adversité. L’attitude devant le combat et sous la pression est perfectible, elle est le reflet des réactions humaines. En fait, le rugby m’a appris à respecter les hommes quelles que soient leur apparence et leur trajet, et il m’a même appris à aimer mes ennemis d’un jour… En outre, les relations humaines ne sont pas une science exacte et la remise en question doit servir de fil rouge… Alors, la question que je me pose, c’est : « Quel autre homme aurais-je été sans le rugby » ?
Tu as redécouvert la Réunion, ton île natale, à la trentaine, avant de revenir t’y installer quelques années plus tard, en l’An 2000… Qu’apprécies-tu le plus ici ?
Je suis né à la Réunion en 1961 à Montgaillard… Tu connais la chanson, « Mon Ile, tu n’es pas comme les autres îles… »… Et la politique de déplacement des populations de l’époque fit que je quittais ma terre natale en 1967 pour être placé dans le Gers… Et quand je revins ici pour la première fois en 1994 à l’occasion de vacances, « le voyageur tomba, frappé par le pittoresque »… Ainsi, je redécouvris l’île aux trésors de métissage.
Tout est à voir ou à revoir à la Réunion, selon que l’on soit touriste, fonctionnaire, rastaquouère ou pirate, avec une préférence personnelle pour le cœur des cirques (surtout celui de Salazie où j’ai exercé à Hell-Bourg pendant 5 ans). Gourmand à souhait, je ne crache pas sur quelques « sarcives » et autres gallinacés fortement « rougaillés ». Mais toute la cuisine reste à inventer et donc il faut continuer à mélanger les épices et le sucré-salé. Comme en musique, chants ou peinture, les apports indien-océaniques tendent vers l’excellence… Alors, demeurerons-nous français d’outre mer ou citoyen du monde… ?
Et puis ici, j’aime aussi la clarté du matin…
C’est Jean-Michel Piron, le Président du RC Saint-Pierre, qui t’a passé le ballon « Puissance 15 »… Vers qui vas-tu taper à suivre ?
Je remercie d’abord Jean-Michel pour cette passe à plat qui m’arrive directement de la cité voisine Saint-Pierroise, et en tant que flanker, je rentre dans l’intervalle ! Jean-Michel est un bon ami du rugby que je respecte en tant que président du meilleur club de l’île (pour le moment !). Je lui avais même demandé de se présenter à la présidence du comité de rugby de la Réunion.
Et maintenant que je l’ai en main ce ballon « Puissance 15 », je suis heureux de le passer à Monique Cathala, qui en connaît bien plus que moi sur le rugby réunionnais. Elle symbolise la jeune histoire du rugby à la Réunion et saura entre autres préparer l’évolution future vers le rugby à 7 et le rugby féminin. De plus, en tant que nouvelle présidente de l’ORES, elle devrait faire le lien entre les joueurs, les éducateurs et les instances dirigeantes… C’est une mission importante.
Si une chanson devait accompagner ton portrait Puissance 15, tu souhaiterais que ce soit laquelle ?
Je choisis sans hésiter le chant basque « Hegoak », qui m’émeut, plus que les autres chansons à boire et à tue-tête. Les basques sont les seuls humains, à ma connaissance, à chanter même quand ils perdent…
Hegoak
Site Internet de l’Etang-Salé Rugby Club
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Photo de « Une » de Patrice : PM / Photos « Rugby » de Patrice : Archives de Patrice et site Internet de l’Etang-Salé Rugby Club / Blason de Lectoure : Wikimedia-Syryatsu-Domaine public / Statue de d’Artagnan : Wikimedia-OT Lupiac-CC BY SA 4.0 International / Vue Ile de La Réunion : Fotolia 32390815 / Vue Hell-Bourg : Fotolia 34347093 /
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Bernadette BELLIER
Enseignante du fond du Gers,c’est par le biais du mari d’une enseignante que je viens de lire l article de « puissance 15 » . Quel plaisir d’avoir des nouvelles de Patrice et quelle belle ode à l’ovalie . Les valeurs de ce sport sont indéniables et aident nos jeunes à se construire ; je suis moi-même maman de 2 joueurs : 1 garçon :pilier droit et une fille 3ième ligne . merci encore
Frédéric Poulet
Merci Bernadette pour votre message… Le Rugby porte en effet de belles valeurs, partagées par des femmes et des hommes de toutes origines et de toutes cultures. Pour moi, c’est même un art de vie, à l’image de la vie de Patrice, qu’il m’a fait l’honneur de dévoiler un peu, par cette belle lucarne ovale.