Certaines décisions prises sur les bancs du Cours Préparatoire peuvent changer la destinée de certains, et celle que cet homme, alors en culottes courtes, a prise avec ses potes Christophe et Edouard en est sacrément une…
Oui, c’est certain, à un ballon près, la vie de Nicolas Merle, actuellement référent des Cadets et des Crabos du CSBJ, n’aurait pas été la même… Un ballon ovale, qu’il a apprivoisé à l’US Meyzieu, son club formateur, dans le Sud Lyonnais… Un ballon avec lequel il vit depuis bientôt 40 ans une bien belle histoire… Une histoire de famille, écrite avec son père, son frère, sa sœur, sa mère, et ses fils ! Une histoire de n°10 et d’entraîneur, qui se déroule entre Rhône et Isère, et qu’il a bien voulu nous confier… Merci Nicolas !
Bonjour Nicolas, dans quelles circonstances t’es-tu un jour retrouvé sur le pré, avec un ballon de rugby dans les mains ?
Meyzieu, Rhône (69)
On était 3 potes de Meyzieu, Christophe, Edouard et moi, au CP, au début des années 70… On voulait faire du sport, et on se demandait si on allait jouer au foot ou au rugby… On a choisi le rugby, et on a pris une licence à l’US Meyzieu. Du coup, mon père, Guy, s’y est remis aussi (il avait déjà joué quand il était plus jeune), et un an plus tard, il deviendra Président du Club (au total, il sera Président une dizaine d’années, en plusieurs passages)… On peut donc dire que le rugby, à l’époque, a fait une grosse intrusion à la maison, d’autant que Jean-François, mon frère, avec qui je n’ai qu’un an d’écart, nous a rapidement rejoints dans l’équipée !
Au départ, l’US Meyzieu n’avait que des équipes de Jeunes, il n’y avait pas d’équipe Seniors… Il s’en est créé une, qui a connu une ascension très rapide, puisqu’elle montait pratiquement tous les ans au début de son existence. Mon enfance a vraiment été bercée par des matchs de phases finales où nous allions supporter les « Bleu & Blanc » majolans (ndlr : habitants de Meyzieu)…
Et alors, après, ce ballon ovale, tu as suivi quels chemins avec lui ?
J’ai fait toute mon école de rugby et mes classes Jeunes à l’US Meyzieu, et ce sport, et tout ce qu’il véhicule, est très rapidement devenu pour moi, sinon mon activité principale, disons… Ma préoccupation essentielle ! Une passion vraiment partagée en famille, avec mon père et mon frère, avec qui, compte tenu de notre faible différence d’âge, je jouais une saison sur 2 dans la même équipe, mais également ma mère qui assurera longtemps la réalisation des feuilles de match, entre autres…
J’ai très rapidement trouvé ma place à la charnière, tantôt à la mêlée, tantôt à l’ouverture, avant de me positionner plus définitivement en n°10… Et en Cadets, j’avais le frangin en n°9 !
J’ai fait mon premier match Seniors à 17 ans, en Honneur, dans une équipe qui était entraînée par Alain Larran et Liberator Ricci… Je me souviens qu’on fonctionnait avec un affectif énorme. J’étais le plus jeune, mais je connaissais bien tous les gars depuis longtemps, car j’avais assisté depuis tout gamin à leurs montées successives, et je n’avais alors qu’un rêve… Jouer avec eux, ce que j’ai eu la chance de pouvoir réaliser !
Pour l’anecdote, il m’est arrivé à l’époque d’avoir été inscrit sur 3 feuilles de matchs le même dimanche : avec les Juniors le matin, avec la Réserve (où j’ai même pu jouer avec mon père et mon frère !) et la 1ère l’après-midi. En réalité, je dois beaucoup mes débuts précoces en Equipe 1ère de l’US Meyzieu au fait que je butais… Depuis longtemps, mon père m’emmenait au stade les samedis matins pour m’entraîner dans cet exercice… L’US Meyzieu n’avait guère de buteurs en ce temps là, et en tant que Président, ça le chagrinait beaucoup !
Et puis, d’Honneur, on est montés en Fédérale 3. J’étais encore Junior, et je me rappelle qu’on avait un effectif tellement « ricrac » que sur la feuille de match il y avait 15 joueurs et bien souvent seulement 2 remplaçants : le coach et moi !
Parallèlement à mon activité de joueur, je me suis très rapidement intéressé aussi à celle d’entraîneur, et dès l’âge de 15 ans je suis allé filer un coup de main à l’école de rugby du club… Dans la première équipe que j’ai entraînée à l’époque, il y avait Emile Ntamack et Jean-Pierre Sanchez… Ainsi que Stéphanie, ma sœur, qui participera en 2012 aux Jeux Paralympiques de Londres en Aviron, après avoir été une soixantaine de fois Championne de France de Natation Handisports, et titulaire au sein de l’Equipe de France de Basket.
Je quitte l’US Meyzieu à 22 ans, et signe une saison au L.O.U., en 1ère division, en un temps où elle comptait 80 clubs… Premier match à Toulouse… On prend 96 pions, et quelques mois plus tard on finit le Championnat dernier de la poule… C’est clair, je ne suis pas allé dans la Capitale des Gaules au meilleur des moments !
Du coup je reviens à l’US Meyzieu, dans une équipe d’abord coachée par Bruno Anne, puis par Bernard Douvegheant, avant que Gérard Vignaut, qui entraînait les Juniors du club et qui arrivait avec une grosse génération de Reichel, prenne les manettes de la 1ère. Gérard m’a alors appelé pour l’épauler, et c’est comme ça que je me suis retrouvé dans un rôle d’entraîneur-joueur. Après être remontés en Fédérale 3, les choses se sont un peu compliquées, mais on a quand même réussi à se maintenir in extremis.
A 27 ans, je pars 3 saisons comme entraîneur-joueur à La Tour-du-Pin, alors en Fédérale 3, que j’entraîne avec Maurice Tujague, puis Eric Jas, avec l’assistance de Claude Boiton, un ancien joueur emblématique du club.
Je travaillais à l’époque à Saint-Fons, et la trentaine venant, j’effectue une saison comme entraîneur-joueur à Feyzin qui évoluait en Promotion d’Honneur, et on monte en Honneur. Je retourne ensuite à Meyzieu où je refais une saison comme joueur, avant de rependre une casquette d’entraîneur, assisté d’Hocine Saadaoui, un joueur exceptionnel formé au L.O.U. Après 2 grosses saisons en Fédérale 3, on réussit en 2002 à faire monter l’US Meyzieu pour la première fois de son histoire en Fédérale 2… Avec dans ses rangs quantité de gars qui avaient été formés chez nous. Je me souviens que pour le match de la montée, on bat Dôle à la dernière minute, sur un essai de Lionel Larran… Un moment inoubliable !
J’entrainerai par la suite l’US Meyzieu, redescendue en Fédérale 3, pendant encore quelques années, entrecoupées d’expériences de joueur (je n’arrivais pas à raccrocher !) à Rillieux-La-Pape et à Bron, années au cours desquelles je passerai le Diplôme d’Etat d’Entraîneur.
En 2010, Jean-Baptiste, mon fils aîné, est contacté par le L.O.U. pour intégrer son équipe Cadets… Et par la même occasion, les dirigeants Lyonnais me sollicitent pour entraîner cette équipe ! Ce fut une magnifique aventure qui dura 2 saisons, ponctuée par une finale et un ¼ de finale du Championnat de France Gaudermen.
Et puis en 2011, je pars pour Bourgoin-Jallieu, où j’entraîne d’abord les Reichel avec Michel Julien et Gilles Coquard, puis les Cadets Gaudermen avec Philippe Servage. Enfin, j’assure depuis 2014 la coordination entre les Cadets et les Crabos du CSBJ, Crabos que j’entraîne avec Philippe Vessilier, Jean-Pierre Sanchez et Coenie Basson.
Si je te demande de me confier 3 des meilleurs souvenirs de ton épopée rugbystique jusque là… Tu me dis quoi ?
En tant que joueur, 3 flashs « heureux » me reviennent là en tête :
D’abord mon 1er match en Equipe 1ère avec l’US Meyzieu… C’était à Saint-Jean-de-Bournay, le jour de mes 17 ans, et mon plus beau cadeau a été de marquer un essai en position d’ailier… Ce qui était rare à l’époque en Championnat Honneur !
Ensuite, le titre de Champions de France Universitaire, gagné en 1987 avec l’Université de Lyon I, contre l’Université de Grenoble. La finale s’est jouée à Bourgoin, et notre équipe comptait bon nombre de Majolans.
Enfin, un titre de Champion d’Honneur du Comité du Lyonnais, gagné avec l’US Meyzieu en 1991 contre l’AS Saint Marcel-Isle d’Abeau. Je revenais d’une période pendant laquelle je n’avais pas pu jouer, et j’avais vraiment la rage de vaincre !
En tant qu’entraîneur, je garde quantité de souvenirs heureux, parmi lesquels :
La montée en Fédérale 2, en 2002… C’est un moment inoubliable car quelque part, c’était comme un accomplissement pour le projet de l’US Meyzieu, moi qui depuis tout gamin l’avait vue gravir tous les échelons pour en arriver là.
La finale avec les Cadets Gaudermen du L.O.U., en 2011 perdue 15 à 9 contre Montpellier au Stade Vélodrome de Marseille, en lever de rideau de la ½ finale du Championnat de France opposant Montpellier au Racing. Mon fils Jean-Baptiste jouait en n°15. Certes, compte tenu de l’affiche qui suivait, nous avons joué cette finale dans un contexte assez défavorable, car les tribunes étaient remplies de Montpelliérains, mais quel énorme moment !
C’est à 42 ans que tu as définitivement raccroché tes crampons de n°10… Que retiens-tu de plus important de cette longue expérience à l’ouverture ?
Et oui, c’est jusqu’à cet âge là, canonique pour un rugbyman, que j’ai fait quelques apparitions avec la Réserve de l’US Meyzieu… Et j’aurais aimé jouer encore si j’avais pu !
Alors bien sûr, je vais te dire que le poste de n°10, c’est le poste majeur dans l’équipe… Et je trouve encore plus au niveau de la Fédérale… C’est un poste stratégique, celui où tu endosses le plus de responsabilités, et j’ai vraiment toujours aimé ça ! Quelque soit les activités dans lesquelles je me suis engagé, mon credo a toujours été qu’il vaut mieux les piloter que les subir, et sur le terrain, le jeu d’ouvreur m’a pleinement satisfait en la matière.
Mais avec l’évolution actuelle du jeu, je dois bien avouer qu’aujourd’hui j’aurais eu beaucoup plus de difficultés à occuper ce poste… Je n’étais pas un gros plaqueur (mon idole, c’était Jean-Pierre Romeu, et mon point fort c’était plutôt le jeu au pied !), car à mon époque, c’était essentiellement les 3èmes lignes qui se chargeaient de la besogne… De nos jours, n°10, c’est l’un des postes où tu dois le plus plaquer !
Tu es depuis 4 saisons le Référent des Crabos et des Cadets du CS Bourgoin-Jallieu… Peux-tu nous préciser ta mission ?
Un moment très important de cette mission se situe dans la préparation des saisons, en coordination avec les coachs des différentes catégories. Le recrutement est alors une des préoccupations essentielles… Et il faut bien reconnaître que la chose s’est un peu compliquée à ce niveau là depuis que le CSBJ a quitté le toit du rugby français, car la concurrence dans la région est rude avec Grenoble, Oyonnax, Lyon… Mais on y arrive encore !
Nous avons une section sportive au Lycée de l’Oiselet de Bourgoin, qui regroupe environ 30% de nos effectifs, et j’ai en charge de coordonner les relations entre l’établissement scolaire et le club, pour que nos jeunes en retirent le maximum de bénéfice, tant au niveau sportif (veiller à une programmation qui soit la plus pertinente possible entre les entraînements donnés dans les 2 contextes) que scolaire (veiller aux résultats et au suivi scolaire des joueurs). Nous avons également 4 joueurs qui sont au Pôle Espoirs de Villefranche-sur-Saône.
Pour résumer, cette fonction de « référent » donne bien sûr une large place au rugby, mais elle va bien au-delà, en englobant aussi le contexte scolaire et personnel de nos jeunes.
Jusque là, quel a été ton parcours professionnel ?
J’ai débuté mon parcours dans ce qu’on appelle « l’animation volontaire », et j’ai commencé très jeune à encadrer des centres de vacances, avant de travailler dans un Centre Social à Décines. J’ai ensuite dirigé le Centre Social des Clochettes à Saint-Fons… D’un point de vue professionnel et humain, j’ai vécu là des moments exceptionnels, car tout était à faire, pour tous les publics, aussi bien les jeunes que les personnes âgées. Toujours à Saint-Fons, j’ai ensuite dirigé une entité « Cultures urbaines » au niveau de la MJC… A cette époque, j’étais à bloc dans le Rap et le Hip-Hop, et on a eu un succès fou ! On a également créé un club de boxe, qui est devenu l’un des plus grands d’Europe…
Et puis au début des années 2000, je pars dans un nouveau cycle professionnel, et je décide de créer ma propre entreprise, Drop Conseil, que je dirige toujours aujourd’hui. Au travers de cette structure, je réalise essentiellement des prestations de Formation au Management et à la Gestion de Projets, et également du Conseil… A 80%, mes clients sont des entreprises industrielles, dans lesquelles j’interviens pour former des chefs d’équipe et des agents de maîtrise. Je me rends compte tous les jours qu’il y a énormément de « ponts » à réaliser entre ce qui se passe sur un terrain de rugby, et ce qui se passe sur le terrain de l’entreprise… Mon expérience sur le pré me sert évidemment beaucoup, et ce n’est bien sûr pas un hasard si ma société s’appelle « Drop Conseil » !
Tu résides à Jons, aux confins du Rhône, de l’Isère et de l’Ain… Si je viens te voir là-bas, tu me fais visiter quoi ?
Jons est un village du Rhône, situé dans l’Est Lyonnais… Et je trouve que je ne m’y pose pas assez souvent, car entre le boulot et le rugby, je suis toujours en mouvement. Pourtant, c’est vraiment sympa ici, on est situé le long du Canal de Jonage, qui est un endroit idéal pour la pratique du footing, et aller taquiner de temps en temps le brochet dans une lône avec mon fils Antoine.
Entre autres, tu verras ici le barrage de Jons, situé sur le Rhône, à l’endroit où le fleuve se divise en Canal de Miribel et en Canal de Jonage. Mais si le barrage porte le nom de « Jons », il se trouve en réalité entièrement sur le territoire de la commune voisine de Niévroz, située dans l’Ain…
Nicolas, tu as magnifiquement réceptionné le ballon « Puissance 15 » que Richard Fortin, ancien Majolan, t’a envoyé depuis la Chalosse, où il a désormais élu domicile… Vers qui vas-tu taper à suivre à ton tour ?
D’abord, je remercie Richard, que j’ai eu le plaisir d’entraîner à Meyzieu et à La Tour-du-Pin, et avec qui j’ai aussi porté le maillot Majolan.
Ensuite, je profite du moment pour adresser un clin d’œil à mes 3 rugbymen de fils : à Jean-Baptiste, qui joue à l’US Meyzieu et qui est responsable de son école de rugby, à Antoine, qui est Crabos au C.S. Bourgoin-Jallieu, et à Pierre, -14 à l’US Meyzieu, et également éducateur des -6 du club…
Et puis bien entendu… Je lance également un salut amical à tous les joueurs que j’ai côtoyés et entrainés dans tout mon parcours, et qui ont eu la patience de me supporter parfois !
Maintenant, pour faire vivre ce ballon « Puissance 15 », j’aimerais le transmettre à 3 personnes… Au berjallien Adrien Curt, Espoir au CSBJ, au Turripinois Claude Boiton, et au Lyonnais Hocine Saadaoui… Affaire à suivre !
Avant de se quitter Nicolas… Si une chanson devait accompagner ton portrait Puissance 15… Ce serait laquelle ?
Alors ce sera « Ce n’est rien », de Julien Clerc…
Julien Clerc et Zaz – « Ce n’est rien »
Site Internet du CS Bourgoin-Jallieu
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Photo « portrait » et photos « rugby » de Nicolas: Archives NM / Vue barrage de Jons: Wikipedia-Benoit Prieur CC BY SA 4.0
Eu égard aux droits qui leur seraient associés, nous nous engageons à enlever les illustrations présentes dans cet article, sur simple demande de leurs auteurs.
Laisser un commentaire