Cet homme a connu une longévité exceptionnelle comme joueur de rugby, puisque c’est à 45 ans qu’il a quitté ses maillots flanqués de n° 9, 10 ou 12 dans le dos… Des maillots aux couleurs de clubs de sa Provence natale, mais aussi de Corrèze, où il eut une révélation.
C’est en effet à Liginiac, près de Tulle, que Marc Peeters a découvert le monde de la prise en charge de la délinquance et du handicap chez les jeunes. Un monde dans lequel il s’est dès lors totalement engagé, doté de ses propres armes, celles de son vécu d’éducateur de rugby, qu’il est toujours. Et si vous voulez savoir pourquoi Marc réussit dans ses missions d’éducateur social et d’éducateur au rugby, allez bien sûr chercher la réponse dans la passion. Mais allez aussi questionner la « Fée Clochette », grâce à qui, sans aucun doute, il fut un jour sacré Champion de Provence en Avignon… Merci Marco !
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Bonjour Marc, le rugby et toi, c’est toute une histoire… C’est quand et où que tout a commencé ?
Je suis originaire de Salon-de-Provence, et c’est donc là-bas que ma longue histoire a commencé… J’avais 5 ans et 3 entraînements de foot (dont je me suis fait virer !) derrière moi, et c’est à Roger Brusau, qui était responsable de l’école de rugby et entraîneur de l’Equipe I du Sporting Club Salonais, et qui connaissait bien mes parents, que je dois mon entrée dans la famille ovale, habillé en « jaune & noir » !
Mais c’est mon père qui au départ m’a transmis la passion du rugby. Il était fervent supporter du Sporting, et il a été au bord de la touche de tous les terrains où j’ai joué, pendant pratiquement toute ma carrière de joueur… C’était un « papa-suiveur ».
Ah ! Et après ce début alors, la suite, ça a été quoi ?
Ca a d’abord été une très longue et belle histoire en tant que joueur, puisque j’avais 45 ans quand mon nom est apparu pour la dernière fois sur une feuille de match… . Formé au départ comme ½ de mêlée (j’étais petit quand j’étais « petit »), je jouais aussi ouvreur ou 1er centre. Un long parcours, fait de magnifiques rencontres, de chance aussi, de joie, et qui m’a forgé en tant qu’homme.
J’ai donc fait toutes les catégories jeunes à Salon, qui possédait une grande école de rugby, jusqu’en Seniors, où j’ai eu la chance d’être entraîné par des hommes qui m’on marqué, comme Patrick Biau, ou encore Yves Lafarge, l’ancien international capitaine de l’AS Montferrandaise. J’étais Junior quand Yves est arrivé au club comme entraîneur / joueur, nous avions 15 ans d’écart. Il jouait chez nous en 10, et il voulait que je sois son ½ de mêlée… Il m’a « pris en main » avec des entraînements de forçat pour allonger ma passe, car compte tenu de sa notoriété, c’était une cible pour nos adversaires, et il voulait être inquiété le moins possible… Il m’a appris beaucoup de choses sur le poste de n°9, entre autres, le « port de tête » et la nécessité d’avoir des « yeux au bout des doigts ». On jouait alors en 2ème division, et j’avais 17 ans quand j’ai joué mon premier match en Equipe I.
J’ai quitté Salon à 21 ans, direction Vitrolles, où j’ai entraîné les Juniors et joué pendant 1 saison en Honneur, avant de rejoindre Apt. J’y suis resté 10 ans, on jouait en 2ème division, et j’ai eu l’immense bonheur de pouvoir y jouer avec mon frère, Johann. J’ai fait de belles rencontres à Apt, j’ai été entraîné là-bas par Hervé Chabowsky, ancien pilier international, ou encore par Thierry Louvet, « l’Indien » du RC Toulon, qui jouait également. En parallèle, j’entraînais les Cadets, et c’est en grande partie à ces gamins-là, qui se reconnaîtront, que je dois ma vocation d’entraîneur et d’éducateur. Grâce au rugby, j’ai partagé beaucoup avec eux, au-delà du rugby. Ma très grande fierté, c’est d’avoir pu jouer avec beaucoup d’entre eux en Equipe Première, avant de quitter le club.
Saison 97/98, j’arrive à Aix-en-Provence, à l’ARC, en Fédérale 3… Entraînés par André Dupouy (ndlr : le plus Tyrossais des Aixois !), on perd un seul match dans la saison, celui de la finale du Championnat de France, contre… Massy !
Après 2 saisons à Aix, je pars au CORC (Châteauneuf-Orange Rugby Club), en Fédérale 2. Entraîné par Raymond Cavignal, j’y joue avec de beaux joueurs, comme Léon Loppy, et j’y reste 4 ans, pendant lesquels j’entraîne aussi les Juniors du club.
Puis à 33 ans, je commence à me sentir vieillir un peu pour le haut niveau, et je prends la direction des Angles, comme joueur-entraîneur, en Promotion d’Honneur. Là-bas, je m’implique aussi avec les cadets, car ce club est magnifiquement organisé au niveau de ses jeunes, avec le souci d’assurer la continuité du jeu et une marque de fabrique « club » entre les différentes catégories.
Entre autres, car j’y ai vécu de nombreux grands moments, je garde de mon passage aux Angles une anecdote sympa : en finale du Championnat de Provence contre Arles, à Avignon, je mets une pénalité très compliquée, voire improbable, à la dernière minute du match, qui nous fait gagner 9 à 6 au son de la cloche… Ca m’a valu un magnifique « Et quand Peeters fit… Pan ! » (ndlr : cf la « Fée Clochette » de l’introduction…) le lendemain dans la presse locale… Plus de 10 ans après, je crois que l’article est toujours affiché au club house du club !
Puis les aléas du contexte économique m’obligent à quitter un poste d’encadrement dans la plasturgie, et c’est à ce moment là que s’offre à moi, finalement comme une évidence, une nouvelle voie professionnelle, je dirais même, une vocation de plus : je quitte le club des Angles avec regret, direction… La Corrèze, à Liginiac, où je pars travailler dans un Centre Educatif Renforcé, un établissement où on s’occupe de jeunes délinquants, comme une alternative à l’incarcération. Mon parcours « rugby » m’a énormément aidé pour relever les défis que ces gamins n’ont pas manqué de me lancer à peine arrivé. Mon credo avec eux, ça a été : « Nul ne sait de quoi il est capable tant qu’il n’a pas essayé »… Depuis ça ne m’a jamais quitté.
J’habitais alors à Meymac, où il y avait un club de rugby, le « Club Athlétique Meymacois Rugby ». Et voilà comment, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, je me retrouve à jouer, et à entraîner, un temps, en 4ème série… ! Peu après, Yaya Boukhecham, que je connais depuis l’école de rugby de Salon, ancien pilier à Montpellier, prend le poste de Directeur Sportif à Tulle, en Fédérale 3. Il me demande de le rejoindre au SC Tulle, où il y avait également Laurent Bonventre, Champion d’Europe en 1997 avec Brive. Et me voilà ½ de mêlée au SC Tulle !
En 2008 je reviens en Provence, où j’intègre un autre Centre Educatif Renforcé à Montélimar. J’ai alors été recontacté par le CORC, qui cherchait un entraîneur pour ses Juniors… Je prends une licence de joueur-entraîneur, et je me retrouve à nouveau à jouer en Equipe I, où j’évolue en Fédérale 3 avec pas mal d’anciens gamins que j’avais moi-même formés quelques années avant. Et puis, à 45 ans, j’ai dit « stop » en tant que joueur.
Quel parcours ! Chapeau bas, Monsieur… Et tu es cette saison le coach des Cadets de l’AUC Rugby. Avec qui mènes-tu cette mission, et que peux-tu nous dire de cette équipe ?
Je travaille depuis 3 ans à l’ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) Saint-Yves, à Aix-en-Provence. Quand je suis revenu ici, Jean-Luc Daumas, qui était alors Directeur de l’école de rugby de l’AUC, m’a demandé de prendre en mains les Minimes, et je viens de « monter » cette année en Cadets.
C’est un groupe très hétéroclite au départ, composé de minimes du club qui sont montés, de quelques recrues du PARC, et de pas mal de débutants. J’ai le plaisir de les coacher avec un super staff composé de Yannick Milhorat, Arthur Haumann et Simon pour le côté sportif, Bernard Guigues côté administratif, Luc Guillaume et Marcel Khoueiry côté médical et sponsoring. Nous avons su fédérer autour de nous un groupe de parents qui nous suit partout, et j’adresse à tout ce « petit monde des cadets de l’AUC » un gros clin d’œil, et un grand « merci ».
Avec ces garçons, nous travaillons avant tout la prise de plaisir, la mise de l’individu au service du collectif. Je leur donne des consignes de jeu, bien sûr, mais je ne les bride pas, sur le terrain, ils ont carte blanche, dans le but d’apporter quelque chose à l’équipe. Aujourd’hui, je suis fier de voir la maturité collective, l’unité, qui s’est affirmée dans cette équipe, au fil de la saison et des matchs.
Partis d’une situation initiale pas évidente, ils ont fait d’énormes progrès dans leur rugby, et ils ont su gagner le respect de leurs adversaires. On joue en effet dans un championnat Teulière A qui était surdimensionné par rapport au contexte de notre équipe en début de saison, et aujourd’hui, on y a complètement gagné notre place. Les garçons sont prêts pour l’année prochaine, même si je sais que je vais souffrir en fin de saison d’en quitter une partie… Mais je leur aurai transmis ce que d’autres m’ont donné tout au long de mon parcours. Je ne suis qu’un passeur, et c’est sans doute l’une des plus belles passes que j’aurai faites dans ma vie.
Y-a-t-il des similitudes entre ce que tu vis au rugby et ce que tu vis au travail ?
Oui, car c’est exactement la même chose qui m’anime dans mon travail au quotidien, à l’ITEP, même si, bien sûr, il faut plus canaliser les choses dans ce contexte là. Je m’occupe d’enfants de 6 à 14 ans atteints de troubles envahissants du comportement, qui sont en échec scolaire, en carence affective et familiale, etc… .
J’essaie d’amener du plaisir à ces gamins en les cadrant, et je m’aide entre autres beaucoup de l’outil sportif. Par exemple, on participe tous les ans au tournoi de rugby à 7 inter-ITEP national, où on a plus de 600 enfants qui se rencontrent à cette occasion. Cette année aura lieu la 10ème édition, à Montlignon, dans le Val d’Oise, en juin prochain.
La seule différence, c’est que j’arrive (même si ce n’est pas facile) à maintenir une distance affective plus grande avec les gamins dont je m’occupe à l’ITEP, c’est indispensable si on veut exercer sereinement ce métier et se protéger.
Par contre, cette barrière, je la lève quand je suis avec mes cadets… Eux, ils sont ma bouffée d’oxygène, ils me permettent de me ressourcer, ils font partie de ma famille, celle du rugby.
Tu es partie prenante d’une association qui s’appelle « Ballon passion France », peux-tu nous en dire quelques mots ?
Ballon Passion France est une association qui est présidée par Antonio de Barros, ancien joueur et Directeur Sportif de l’AUC Rugby, et Bernard Guigues en assure le secrétariat. Affiliée à la Fédération Française du Sport Adapté, son projet éducatif et sportif a pour but d’ouvrir au plus grand nombre, et notamment aux personnes handicapées, les pratiques sportives, éducatives et de plein air. Le rugby y tient une place privilégiée, mais le foot, le hand, le basket et la thèque y ont également leur place.
Je me suis investi depuis un an dans cette association, pour la partie sportive et compétition, ce qui a permis de créer un point de convergence entre le public adulte ciblé par Ballon Passion France, c’est-à-dire les ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail), anciens CAT (Centres d’Aide par le Travail), et les ITEP, qui concernent un public de jeunes (6 à 14 ans). Ainsi est né le « Club » Ballon Passion France, qui regroupe désormais un public de 6 à 77 ans, en provenance des ESAT, des ITEP, des IME (Instituts Medico-Educatifs)… Et on est vraiment entrés dans le multi-handicap, c’est magnifique ! Pour moi, le Club Ballon Passion France, c’est le résultat de tout ce que je suis aujourd’hui : un éducateur du rugby, et un éducateur du handicap, c’est là où je mets toutes mes passions.
Et si une chanson devait accompagner ton portrait « Puissance 15 »… Ce serait laquelle ?
La première qui me vient, là, en terminant notre discussion, c’est « Les copains d’abord… »
Georges Brassens – Les copains d’abord
Site Internet de Ballon Passion France
Interview : Frédéric Poulet
Photos : : Photos : FP, Christian Taltavull et site internet AUC Rugby
ECHARD Nathalie
ça fait plaisir de voir des personnes qui s’investissent autant et savent partager leur passion.
merci marc, et merci pour eux.