Parti de sa Normandie natale, c’est à Salon-de-Provence que les Dieux du Rugby adressèrent un message à l’adolescent qu’il était alors : « Petit, non seulement tu joueras au rugby, mais tu l’aimeras tellement qu’un jour tu le croqueras ! »…
Ils ne croyaient pas si bien dire, car lorsque Jean-François Dufour range sa plume d’analyste économique et que Jeff Teigneux s’empare de son crayon et de ses planches, c’est toute la vie du rugby, de A à Z, qui prend vie… Une vie à la fois vécue, et rêvée, à l’image de ce qui se passe tous les jours sur tous les terrains du monde. Cà, c’est sûr, il se régale à le croquer « son » Rugby, et en plus il nous fait vraiment marrer… Merci Jeff !
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Bonjour Jeff, avant toute chose, tu es d’abord rugbyman… Il est rentré par quelle porte, le rugby, dans ta vie ?
Je suis né dans une région, la Normandie, qui n’est pas vraiment une « terre de rugby ». J’ai poussé bien loin du ballon ovale, à Duclair, un petit village des environs de Rouen, au bord de la Seine, avant que ma famille ne vienne s’installer à l’autre bout de la France, dans le Sud, non loin de Salon-de-Provence… J’avais 10 ans.
Duclair, Seine-Maritime (76)
et je n’avais aucun attrait pour le sport (et même je détestais ça !), au grand désespoir de ma mère qui était prof d’EPS, et qui semblait s’être définitivement résignée à ce coup du sort… Jusqu’au jour où, à 15 ans, j’annonce à mes parents, ébahis, que je vais jouer au rugby ! En réalité, je dois cette « révélation » à l’un de mes profs de sport au collège à Salon, Jean-Pierre Couedou, ancien joueur de haut niveau, qui a trouvé les mots pour me convaincre que le rugby valait la peine d’être « vécu ». C’est donc à partir de là que j’ai commencé à rêver et que je suis tombé dans la marmite, dont je ne suis plus jamais ressorti depuis 30 ans… La seule différence avec Obélix étant que moi, contrairement à lui, ça ne m’a pas donné de supers pouvoirs… Quoique !
Et une fois que tu y rentré, dans « Ovalie land »… Ca a été quoi, ton parcours, ballon en main ? Raconte-nous aussi quelques-uns de tes meilleurs « grands moments » vécus dans ce monde merveilleux… ?
Vu que j’ai le profil « gringalet », je fais mes grands débuts à l’aile, et je joue 3 ans en scolaire pendant mes années lycée à Salon-de-Provence… Avec comme plus haut « fait d’arme » un ¼ de finale du Championnat de France ASSU (ndlr : ancêtre de l’UNSS) contre Nice.
Puis vient le temps des études supérieures, et je m’engage avec l’équipe de la Fac de Lettres d’Aix-en-Provence, avant de signer dans la foulée ma première licence FFR avec la Réserve de l’Aix Université Club (AUC), club qui restera dès lors toujours le mien.
Je dois avouer que je n’étais pas très assidu à mes débuts dans le club aixois, j’étais plutôt en mode « dilettante », et j’ai même arrêté de jouer pendant un temps. Et puis un jour, en 1999, à l’orée de la trentaine, j’ai eu un déclic. Je venais d’être papa pour la première fois, et je pense que j’ai été frappé par une espèce de réflexe primaire que je n’ai pas peur de qualifier de « préhistorique » : j’ai eu besoin de me prouver que j’étais capable de protéger ma famille, et j’ai cristallisé ça dans la pratique du rugby. Et je m’y suis remis, jusqu’en 2013, c’est-à-dire jusqu’à ce que je ne puisse plus jouer, médicalement parlant.
J’ai donc repris du service à l’aile de la Réserve de l’AUC Rugby (avec quelques très rares incursions en 1ère), mais très rapidement, le « guerrier-que-j’étais-devenu-et-qui-devait-se-prouver-des-choses » a eu forcément besoin de monter au front, devant, et après quelques piges en 3ème ligne, je me retrouve, à 70 kgs à peine, au « cœur du cœur » de la mêlée… Talonneur ! En fait, je voulais tellement aller me frotter aux gros que j’avais répondu « Moi ! » à une question anodine posée à la volée par notre entraîneur, Jean-Philippe Maillé : « Hé les gars, on n’a plus de talonneur… Qui se dévoue ? ».
C’est dans cette longue tranche de rugby là (14 saisons !) que j’ai amassé mes plus beaux souvenirs, car ce fut une période fabuleuse. J’ai eu en plus la grande chance et le grand honneur d’être capitaine de cette glorieuse équipe, alors que je n’ai jamais eu un gros physique et que j’ai toujours été mauvais aussi bien techniquement que tactiquement ! Mais je pense (j’espère !) que, ce que j’ai toujours eu pour moi sur le terrain, c’est l’esprit de guerrier… Ce qui m’a très certainement valu mon titre de Capitaine et mon surnom de « Teigneux ».
Il est très difficile pour moi de sortir de cette épopée tel ou tel « bon » souvenir, car je n’en ai que des bons. J’évoquerai quand même la saison 2007/2008, ou après un démarrage difficile pour constituer une équipe en début de saison, on s’est retrouvé en finale du Championnat de Provence Réserve Honneur. Entre nous, on avait baptisé cette saison celle des « Happy Feet », et je salue ici tous mes compagnons d’armes qui se reconnaîtront dans cette équipe, qui sera Championne de Provence 2 ans plus tard!
Ah, et puis je ne peux laisser de côté cette anecdote, vécue un début de saison dont j’ai oublié l’année : au retour des vacances je commence à parler avec un de mes piliers dans les vestiaires… Je lui demande combien il pèse… Et je me rends compte qu’il fait exactement le double de moi !!! Il a joué toute la saison à ma droite…
Tu viens tout juste d’écrire et d’éditer le « DICTIONNAIRE VECU DU RUGBY REVE », et effectivement, ça sent bigrement le vécu… C’est quoi ce dictionnaire ?
Six de mes disques intervertébraux ayant rendu l’âme, j’ai dû arrêter le rugby il y a 2 ans, et il y a quelques temps, j’ai commencé à faire des petits dessins (j’ai toujours aimé ça depuis que je suis gamin) pour faire marrer mes copains sur Facebook. Comme j’ai vu qu’effectivement ils se marraient et qu’ils étaient de plus en plus nombreux à apprécier et à suivre ma page, je me suis pris au jeu, et j’ai continué.
Et puis un jour m’est venue l’idée d’éditer un livre, pour « donner corps » et permettre de toucher du doigt (et non seulement des yeux), avec tout l’affect que cela comporte, ces moments de « rugby vécu ».
Comme son nom l’indique, ce bouquin est un dictionnaire, dans lequel je propose 75 définitions, revues à ma sauce, de mots et expressions pêchés dans l’univers du Rugby, de A (comme « Ailier ») à Z (comme « Ze conclusion : « tout est dans le mental »), en passant par E (comme « Essai »).
Je me suis rendu compte qu’en fait, alors que le rugby est quand même un monde où on se « fend la gueule », il n’y a pas tant que ça de bouquins qui le traitent sous forme humoristique… Et c’est avec un plaisir énorme que je me suis glissé dans cette niche !
En fait, ce recueil de mots choisis a une double vocation : permettre à ceux qui ont pratiqué ou qui pratiquent le rugby, de retrouver sous forme humoristique des situations qu’ils ont forcément vécues, et aux néophytes, de « rentrer » de façon ludique dans ce monde, pour mieux le comprendre… A l’aube de la future Coupe du Monde de Rugby, j’ai trouvé cette idée opportune !
Peux-tu livrer aux lecteurs de puissance15.com quelques unes de tes définitions fétiches ? Et comment fait-on pour se procurer ton dictionnaire ?
Tu l’auras compris, il y a pour moi beaucoup de « vécu » dans toutes ces définitions et croquis, et je vais t’en proposer 2 qui me « parlent » particulièrement : le « Pick & Go » (malgré mon poids « léger », c’est là-dessus que j’avais basé toute ma technique de jeu… En gros je ne savais faire que ça, et je l’ai autant rêvé que vécu sur le terrain!), et la « Radio » (ça, ça fait référence à un match très précis, dans le Vaucluse, arrêté à la 60ème minute, où j’ai eu la mauvaise idée de séparer 2 mecs, ce qui m’a coûté une pommette, et un séjour prolongé au service radiologique de l’hôpital du coin !).
PICK & GO :
« Action consistant à ramasser le ballon au sol, dans un regroupement, pour repartir en percussion au ras. Pour les puristes, il y a deux choses dans le rugby : le pick & go et le reste ; et le reste ne sert pas à grand-chose. Mais ça ne marche pas à tous les coups… ».
RADIO :
« Etape-clé du passage à l’hôpital concluant certains matchs, qui détermine si c’était du cinéma ou pas. Permet à certains joueurs, opérant à des postes ingrats et dans des tâches obscures et peu photogéniques, de récupérer quelques-uns des clichés les plus spectaculaires de leur carrière rugbystique ».
Pour se procurer le Dictionnaire vécu du rugby rêvé
Après la sortie de ce dictionnaire, pour toi, ça va être quoi la suite de « La vie rêvée du Rugby » ?
Très honnêtement, pour l’instant je n’en sais rien, dans la mesure où je n’ai pas de Business Plan préétabli. J’ai un « vrai » boulot à côté, qui me plaît bien, dans le domaine de l’analyse économique, ciblée sur la Chine. J’ai avant tout écrit ce petit bouquin pour me faire plaisir, et pour donner du plaisir. Si il se vend bien, tant mieux, mais l’objectif premier n’est pas là… Mon objectif, c’est que les lecteurs, quel que soit leur nombre au final, se marrent en le lisant.
En parallèle, je continue à alimenter la page Facebook de « La vie rêvée du rugby », en mettant en ligne de nouveaux dessins… Ce qui se passe dans le giron du rugby est une source d’inspiration inépuisable, donc tant que j’ai des idées, je continue !
Jeff, si le rugby n’existait pas, tu crois que ta vie aurait été la même ?
Non, elle n’aurait pas été la même ! Le rugby est une formidable aventure humaine, avec bien sûr tous ses travers et son côté ridicule… Et justement, comme il s’agit d’un sujet qu’on peut considérer comme n’étant pas « fondamental » (Faut-il être fou pour se retrouver à l’hôpital juste pour avoir voulu poser un ballon derrière une ligne et gagner un match ???), du coup, ça fait ressortir plein d’autres choses.
Au rugby, le seul truc important, c’est les copains : pour eux tu vas être solidaire, tu vas combattre (dans le sens positif, pas dans le sens « je vais détruire quelqu’un »), tu vas te sacrifier, pour atteindre l’objectif fixé en commun… C’est pour ça que j’ai adoré mon rôle de capitaine, ça m’a vraiment permis de sentir ce que peut être la fusion des hommes autour d’une cause… Je dois avouer que nulle part ailleurs qu’au rugby je n’ai ressenti ça.
Une autre chose que le rugby m’a appris, c’est que c’est un lieu de non-discrimination, où la classe sociale, la religion, la couleur du gars, n’ont aucune importance… Le seul truc qui compte, c’est qu’il soit là, en soutien, au bon moment, pour éviter de te faire marcher sur la gueule…
Bon… Alors, Teigneux, maintenant que tu talonnes dans la « Mêlée Puissance 15 », qui invites-tu à t’y rejoindre ?
Là je suis embêté, car j’invite vraiment tous mes potes à m’y rejoindre, ça fait du monde, et surtout, je ne voudrais en vexer aucun ! Mais puisqu’il faut absolument faire vivre le ballon, je vais le transmettre à Philippe Laborde, un ancien joueur du PARC qui a entraîné l’AUC… Originaire de Narbonne, pour moi il est le rugby incarné !
Et puis, je crois que tu as fait une dédicace spéciale pour « Puissance 15 » ?
Oui, tiens… La voilà !
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Photo « Une » de Jeff : FP / Photo « rugby » de Jeff : André Verdet / Homme préhistorique : Fotolia
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