Il y a certaines « confitures » qui vous sont interdites quand vous êtes gosse, et qui pourtant vous laissent un goût inoubliable… Celle que cet homme n’a pas goûté ( ?) jadis lui a donné le goût du rugby…
Mais avant de pouvoir chausser les crampons, Jean-Michel Piron, charismatique Président du Rugby Club Saint-Pierrois, a d’abord dû honorer une promesse faite à son père… Celle de devenir champion de ski ! Et ce n’est qu’après avoir tutoyé les sommets enneigés qu’il put enfin assouvir, d’abord chez lui, dans l’Ain, puis dans l’Hémisphère Sud, sur cette belle Ile de La Réunion, sa passion pour le ballon ovale… Une passion qu’il partage avec grand bonheur au quotidien, sur une plage de l’Océan Indien, avec de glorieux personnages et de fidèles amis habillés en « Jaune & Noir »… Merci Jean-Michel !
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Bonjour Jean-Michel, comment t’es-tu retrouvé un jour dans la grande famille du rugby ?
Thoissey, Ain (01)
Je suis né à Thoissey, dans l’Ain, au carrefour des Dombes, de la Bresse et du Beaujolais… Un endroit stratégique, idéalement placé en bord de Saône, entre Belleville-sur-Saône et Mâcon, qui permet de bénéficier de certains avantages de ces 3 régions, en particulier les grenouilles, la volaille et le vin !
Mon père et sa bande de copains, tous chasseurs et bons vivants se retrouvaient pour le Tournoi des 5 nations dans le salon familial où nous regardions les matchs sur la télé en noir & blanc. La « confiture de vieux garçons », délice de fruits rouges (griottes, cerises, fraises…) longuement macérés dans de l’eau de vie était aussi de la partie… Un délice auquel le gamin que j’étais en ces années 60 n’avait pas droit, mais dont je constatais que le temps de dégustation était inversement proportionnel à son temps de maturation… Et qui mettait une sacrée ambiance dans notre salon !
J’avais alors 7 ou 8 ans et, couché à plat ventre sur le tapis juste devant la télé, j’admirais sur le petit écran ces gladiateurs de l’Ovalie qui captaient toute mon attention, en essayant d’oublier le brouhaha des « mangeurs-buveurs » de « confiture » derrière moi… Nul doute que c’est là, bercé par cette convivialité, qu’est né mon intérêt pour le rugby… J’ai toujours voulu jouer à ce sport.
Mais j’ai dû patienter, car mon père m’avait destiné à devenir champion de ski, et m’avait mis sur les planches dès l’âge de 3 ans. A l’époque, j’étais à l’école à Bourg-en-Bresse chez les Maristes, et
mes parents, férus de ski, nous conduisaient tous les week-ends, mon frère Patrick et moi, à La Clusaz, où nous avions un chalet. Et c’est ainsi que j’ai commencé à faire du ski en compétition… Ce qui était totalement incompatible avec la pratique du rugby. Sélectionné en Comité du Mont Blanc, je terminerai vice champion de France UGSSEL en descente, avant de passer, à 18 ans, mon probatoire de ski et d’enseigner à La Clusaz pendant les vacances scolaires.
A 19 ans j’intègre l’Université de Sciences Economiques à Lyon 2 et, enfin !, je m’inscris avec enthousiasme au rugby universitaire… Sans avoir jamais touché un ballon ! Et bien sûr, c’est le coup de foudre… D’ailleurs je ne vais à la Fac que le mardi (jour d’entraînement) et le jeudi (jour de match). Le week-end, je rentre dans mon petit village de Thoissey, et au détour d’un bistrot, j’apprends un jour qu’un club est en train de se monter, à Pont-de-Veyle, à 10 km de chez moi… J’y cours !
On a donc démarré en 4ème série, et je me rappelle très bien qu’on a joué (et gagné !) notre premier match de championnat contre Chazay-d’Azergues… Comme je débutais le rugby, on m’a collé dans un premier temps à l’aile (ça tombait bien, le ski m’avait appris à slalomer !), avec le n° 14 dans le dos. Je rentrais les week-ends de Bourg Saint-Maurice où j’effectuais mon service militaire au 7ème BCA, pour jouer. A l’époque, en 77, on jouait entre un champ de blé et un champ de maïs, et on allait se doucher dans une ferme à côté, où il n’y avait pas d’eau chaude… L’hiver c’était cocasse!
Le club, qui s’appelle aujourd’hui le Rugby Club Veyle Saône, évolue actuellement en Honneur, et mes 2 neveux, Théo (qui est également Champion de France de ski nautique) et Pierre, y jouent… Je leur adresse, ainsi qu’à l’ensemble du club, un gros clin d’œil depuis La Réunion !
C’est le combat qui m’a vraiment attiré vers le rugby… Quand j’étais gamin, j’adorais me battre dans les bals de campagne (c’était un peu une coutume dans les villages de mon enfance, mais c’était toujours à la loyale !), et j’avais souvent le dessus, mais sur le pré, ce n’était pas la même limonade… Mon ami Dominique Gay, qui malheureusement n’est plus, avec ses 2 mètres et ses 130 kg, m’a souvent sauvé la mise… Et je dois bien avouer qu’à l’époque, pour moi, un match sans bagarre, ce n’était pas un vrai match de rugby… La 4ème Série, c’était chaud !
Et alors, une fois attrapé par la passion ovale, quel a été ton parcours ?
Malheureusement, après 2 saisons, j’ai rapidement dû mettre ma carrière rugbystique entre parenthèses, car je suis parti au Club Med pendant 4 ans, comme moniteur de ski l’hiver, et moniteur de voile l’été. Je réussis ensuite mon BEACPC à Lyon en 1983 (professorat de culture physique), et je m’envole vers la Martinique, où je reste 2 ans comme moniteur de planche à voile… Voilà donc 6 ans au total que je n’ai plus touché un ballon de rugby !
Et puis un jour, mon attention est attirée par une petite annonce qui recherchait un prof de culture physique pour une salle de sport au Tampon, à l’Ile de La Réunion… Voilà comment je débarque sur « l’Ile intense » le 15 août 1985 ! Je commence alors à donner des cours d’aérobic dans un garage, sur fond de biguine et de zouk… Et ça cartonne… Mon employeur me propose une association pour monter une salle de gym… Je fonce, et je prends la décision de « m’installer » à La Réunion !
Or, il se trouve que l’architecte décorateur de cette salle de gym se nomme Jacques Iribarne (ndlr : impossible de ne pas t’adresser un clin d’œil Mon Jacques !)… Originaire de Mauléon-Licharre, il joue au Rugby Club de Saint-Pierre, et me propose de venir à l’entraînement… A l’époque, le club était moribond, aucun titre à se mettre sous la dent depuis celui obtenu en 78, pas d’école de rugby, pas de stade ni de club house… Mais, pour contrebalancer tous ces « manques », j’ai trouvé une super bande de potes, assez festifs je dois dire… Le plus difficile était le mercredi, jour d’entraînement, et j’avais d’ailleurs rapidement dû annuler mes cours d’aérobic du jeudi matin !
Et c’est donc en « Jaune & Noir », les couleurs du Rugby Club de Saint-Pierre, que j’effectuerai ma plus longue « tranche de vie » de joueur, jusqu’à l’âge de 35 ans… Avec au passage un glissement du poste d’ailier vers celui de 3ème ligne aile, certains dirigeants du club, dont le regretté Claude Périssé, ayant détecté chez moi un potentiel plus intéressant pour jouer « devant » plutôt que « derrière »… Et puis, au passage aussi, j’ai été élu Président du club… Et ça fait maintenant 25 ans que ça dure !
Parallèlement à ma responsabilité de Président du RC Saint-Pierre, j’ai également toujours représenté le club auprès du Comité de Rugby de La Réunion, dont j’ai été Vice-Président, Président de la Commission Sportive, et Responsable des pratiques nouvelles (Rugby à 7, Féminines, Beach Rugby,…). Je suis aujourd’hui toujours membre du comité directeur.
Parmi tous les bons moments que tu as vécus en Ovalie, quels sont les 3 que tu veux bien nous faire partager ?
La première tournée que j’ai faite avec le RC Saint-Pierre à Madagascar, en 1987, m’a profondément ému. J’avais déjà beaucoup voyagé, mais je n’avais jamais été confronté à une telle misère. Nous, on débarquait de La Réunion, on était logé au Hilton à Tana, et on a joué contre des gars dont la plupart étaient pieds nus, mais tous souriants, et qui attendaient avec impatience la 3ème mi-temps pour manger et boire une bière… Vivre ces moments là m’a permis de relativiser, et de prendre conscience de beaucoup de choses… J’étais changé quand je suis rentré à La Réunion.
Le second souvenir que j’évoquerai, c’est une victoire étriquée, 6 à 3, contre le Rugby Club de Saint-Paul, lors d’une finale du Championnat de la Réunion, et ce malgré la suspension lors du tour précédent, de notre capitaine, d’un pilier, d’un 2ème ligne… Et de nos entraîneurs ! On réussit quand même à aligner 15 joueurs, et contre toute attente, on gagne ce match, pour le plus grand bonheur du Président que j’étais (car en tant que joueur, moi, je n’ai jamais rien gagné !).
Enfin, je voudrais rendre honneur à notre équipe féminine Saint-Pierroise, vice-championne de France de Beach Rugby à l’occasion de la dernière étape du Beach Rugby Tour 2011 organisé à Bordeaux en 2011. Il y avait là-bas toutes les meilleures équipes de France, et nos filles en fait sensation en allant en finale, qu’elles n’ont perdue que d’un seul essai, face à Bobigny… Ce fut un magnifique moment de reconnaissance du travail effectué sur l’île pour développer cette discipline.
Tu es donc Président du Rugby Club Saint-Pierre depuis 25 années… Raconte-nous un peu ce club…
Le Rugby Club Saint-Pierrois est né en 1969, il a été créé au départ par des militaires et des VAT venus de métropole, mais c’est sous l’impulsion de Monsieur Barrière, un chef d’entreprise du sud de l’île, qu’il va réellement prendre corps et se structurer. Les présidents qui se sont ensuite succédés ont été Jean Pihoué, Marc Schwetzer, Claude Périssé et donc moi-même.
Nous avons aujourd’hui 300 licenciés, une belle école de rugby, mise sur pied à l’époque sous l’impulsion de Francois Casassus et de Patrick Phalipp… La naissance de mes fils, Jonathan (26 ans déjà !) et Alexandre (22 ans) n’était pour ma part pas étrangère à ma motivation… Je voulais que mes garçons puissent jouer au rugby !
Côté Sportif, les « clés du camion Saint-Pierrois » sont confiées depuis belle lurette à Marco Dulac… Après avoir été capitaine/joueur, il a pris en main la destinée du club en tant qu’entraîneur, puis directeur sportif qui supervise toutes les catégories, depuis les jeunes jusqu’aux Seniors (lesquels sont entraînés et managés par des fidèles du club comme Guy Baquer, François Lavallée et Raoul Scheller)… Et là encore, curieux clin d’œil de la vie… J’ai rencontré Marco il y a plus de 20 ans, à La Réunion, complètement par hasard, à l’occasion d’une foire commerciale où le RC Saint-Pierre tenait un stand… On commence à discuter, pour se rendre compte qu’on avait été, sans le savoir, moniteurs de ski tous les 2 à la même époque à La Clusaz !!! Est née de cette rencontre une fidèle amitié qui dure toujours aujourd’hui…
Globalement, je pense qu’on a une organisation qui tient pas mal la route, car au cours des 16 dernières saisons, le Rugby Club de Saint-Pierre a été 14 fois Champion de La Réunion, et a remporté à de nombreuses reprises le titre de Champion de l’Océan Indien, titre qui chaque année oppose le Champion de La Réunion au Champion de Madagascar … Performance qui n’est pas négligeable quand on sait la difficulté que représente de battre nos amis malgaches, qui pratiquent un rugby très spectaculaire.
On retrouve également très régulièrement nos équipes de Jeunes dans le carré d’as des équipes Réunionnaises… Je profite de ce portrait « Puissance 15 » pour féliciter et adresser un grand « merci » à tous nos joueurs, parents, éducateurs, entraîneurs, dirigeants, partenaires (et nous sommes particulièrement gâtés par leur nombre et leur qualité), supporters… Qui ont contribué et contribuent encore à faire du RC Saint-Pierre un vrai et bon club de Rugby, performant, et dans lequel il fait vraiment bon vivre.
Quelle est ton activité professionnelle ?
J’ai vendu ma salle de gym en 1992, j’ai ensuite créé une entreprise d’import-export en textile, puis en 1995 un hôtel-bar-restaurant situé en bord de plage à Saint-Pierre, « Alizé Plage », en association avec Francois Lavallée, qui jouait à l’autre aile de la 3ème ligne du RC Saint-Pierre. A ce jour, je ne m’occupe plus que d’ « Alizé Plage » et du club.
Notre hôtel compte 15 chambres, et côté restaurant, on propose une carte très sympa avec uniquement des produits frais.
Si on vient te voir à Saint-Pierre, quels sont les 2 ou 3 endroits incontournables que tu nous fais visiter en premier ? Et le chef d’Alizé Plage nous fera déguster quelle spécialité culinaire ?
2ème pôle économique de la Réunion, Saint-Pierre est avec ses 80.000 habitants la capitale du sud de l’île. C’est aussi la ville la plus animée, que ce soit pour les activités sportives (par exemple, c’est ici qu’est donné le départ du « Grand Raid »), culturelles (par exemple le Festival de musique « Sakifo »), ou les animations nocturnes.
J’adore faire découvrir notre île à tous ceux qui, nombreux, nous rendent visite… Il y a tellement de choses à voir ici ! A ceux qui sont courageux, je propose volontiers un petit tour à vélo dans les hauts de Saint-Pierre et de Saint-Joseph, en passant par Carosse et la Plaine des Grègues, où on pourra s’arrêter à la Maison du Curcuma.
Pour le réconfort, je les emmène ensuite visiter la « Saga du Rhum », un musée vivant dédié aux rhums de La Réunion (que l’on peut bien sûr déguster sur place!), installé au cœur de la plus ancienne distillerie de l’île,
toujours en activité aujourd’hui, appartenant à la famille Isautier. Et puis, le marché forain du samedi matin en bord de mer à Saint-Pierre est un condensé de senteurs où se mêlent tous les parfums et tous les métiers d’artisanat de La Réunion…
Et au retour de ces ballades, on dégustera à « Alizé Plage » notre célèbre tartare de thon… Souvent imité, mais jamais égalé, grâce à une recette brevetée par Francois Lavallée : un tartare fait nature avec du thon rouge de très bonne qualité, frais bien sûr, de l’huile d’olive, des herbes, un peu de câpres, une petite sauce basilic, accompagné de quelques frites et d’une salade verte… C’est un régal !
Voilà Jean-Michel, tu pousses désormais toi aussi dans la « Mêlée Puissance 15 »… A qui fais-tu la passe pour faire vivre le ballon ?
C’est avec plaisir que je vais faire la passe à Amandine Lapaix, Capitaine des Féminines du Rugby Club de Saint Pierre, et également Présidente de la Commission Féminines au sein du Comité de Rugby de La Réunion.
Je vais également passer le ballon à Patrice Maillot, Président du club d’Etang-Salé, qui te parlera de son club, qui fonctionne très bien, et de son île, puisqu’il est natif d’ici.
J’en profite aussi pour embrasser mes 2 « grands », Jonathan, qui vit à Paris et joue avec l’équipe Universitaire d’une école d’ingénieurs, et Alexandre, qui lui vit à Montréal où il joue au Rugby Club de Montréal comme ½ de mêlée, ainsi qu’avec les « Carabins », la Sélection Universitaire de Montréal… Sans oublier ma petite Noémie qui a 11 ans… J’ai essayé de la mettre au rugby, mais l’essai n’a pas été transformé !
Site Internet du Rugby Club de Saint-Pierre
Interview : Frédéric Poulet
Photos : Photo « Une » de Jean-Michel, Ski, Equipes Pont-de-Veyle 77 et Saint-Pierre 87 : Archives JMP / Photos « rugby » du RC Saint-Pierre : Site Internet du RCSP / Cartes Martinique et Réunion : Wikipedia / Vue Saint-Pierre : Wikipedia Falco9740 / Vue Madagascar : Fotolia 62388110 / Poste TV : Fotolia 59069175 / Poing : Fotolia 39935625
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