Quand il surgit de derrière la mêlée « Bleue & Noire » pour aller semer la panique dans la défense adverse, et filer à l’essai ou l’offrir à l’un de ses coéquipiers, c’est bien plus qu’un ballon de rugby que « Baky » Meïté, Capitaine emblématique du RC Massy Essonne, porte bien serré contre lui… Il emporte avec lui toute son histoire, celle qui l’a mené de la Porte de Clignancourt à « Massy-la-voisine », Massy où il se sent tellement bien, qu’il s’y sent « chez lui ».
Mais malgré l’apparente proximité géographique entre le Nord de Paris et la cité essonienne, le chemin fut long pour aller de l’un à l’autre… Il a d’abord fallu que Baky pose ses paniers de basket qui étaient bien remplis, qu’il découvre « par hasard » le rugby ( Je fous mon billet que ce sont encore les « Dieux du Rugby » qui ont manigancé l’affaire !), qu’il fasse ses armes en Fédérale 3, puis 2, puis 1, qu’il aille se frotter à la PROD D2 du côté de Béziers, et qu’entre temps il devienne Champion d’Afrique avec les « Eléphants » Ivoiriens ! Alors c’est vrai, ça prend du temps tout ça, mais franchement, pour le Rugby Club Massy Essonne et pour Massy toute entière, ça valait vraiment le coup d’attendre… Merci Bakary !
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Côté Rugby
Bonjour Bakary, c’est « sur le tard » que tu es venu au rugby… Tu peux nous raconter dans quelles circonstances ça s’est passé, ta rencontre avec la balle ovale ?
J’étais en Fac de sport, en STAPS, à Paris V, et à l’époque je jouais au basket. J’avais des potes qui jouaient au rugby, ils m’ont proposé de venir avec eux participer à un tournoi, « Les Ovalies », qui se déroulait à Beauvais. Je n’avais jamais joué au rugby, à part un peu en scolaire, mais ils ont tellement insisté pour que je les accompagne que j’y suis allé ! Et ce jour-là ça s’est plutôt bien passé pour moi, tout de suite j’ai eu un super feeling… On a passé une bonne journée, on s’est bien marré, on a joué et… C’est comme ça que mon histoire personnelle avec le rugby a commencé.
Au retour de Beauvais, un prof de la Fac et mes collègues m’ont encouragé à remettre ça. A l’époque, j’étais en « mode basket » et je jouais à Franconville, en Nationale 3. J’ai arrêté le basket et j’ai pris une licence de rugby, en suivant un pote à Drancy, en Fédérale 3, j’avais 23 ans. J’ai fait mes 2 premiers matchs en Réserve de Fédérale 3 en 2ème ligne, puis je suis « monté » en Equipe I au poste de 3ème ligne aile, et après, pendant toute ma carrière j’ai alterné entre 3ème ligne aile et 3ème ligne centre.
Tu es aujourd’hui Capitaine du RC Massy Essonne. Avant d’en arriver là, sous les maillots de quels clubs as-tu bataillé durant ta fulgurante et ascensionnelle carrière rugbystique ?
Après une année de Fédérale 3 avec Drancy, j’ai été contacté par Montluçon, qui jouait en Fédérale 1. J’avais arrêté la Fac car j’avais obtenu ma licence, et je me suis dit… Pourquoi pas ? Je suis donc parti dans l’Allier, et j’ai vécu une expérience très enrichissante d’un an à Montluçon. Mais la Région Parisienne me manquait et je suis revenu à Paris. J’ai alors joué à Domont, en Fédérale 1, pendant 2 saisons (au cours desquelles j’ai d’ailleurs joué contre Massy, contre qui je ne me souviens pas avoir gagné !). Je suis ensuite parti à Orléans une saison, puis j’ai signé à Massy une première fois, avant de partir à Béziers en PRO D2.
Et puis, comme décidément je suis un grand nostalgique de la Région Parisienne, je suis revenu à Massy, en 2012.
Jusqu’à présent, quels sont tes meilleurs souvenirs de rugby ?
Des souvenirs, j’en ai plein ! Oui, forcément, il y a la montée de la saison dernière en PRO D2, après une super saison tous ensemble. Et cette finale de Fédérale 1, même si au bout du compte on la perd, c’est malgré tout un sacré souvenir, car on a joué ce match devant un public qui était complètement acquis à la cause de l’adversaire, Montauban. Nos supporters étaient peu nombreux, mais ils avaient fait le déplacement pour nous, et pendant tout le match je pensais à eux. J’espérais vraiment qu’on pourrait leur offrir la victoire, qu’on pourrait leur faire toucher le bouclier.
Un autre énorme souvenir pour moi aussi, c’est mon titre de Champion d’Afrique Groupe C avec la Côte d’Ivoire à l’été 2013. C’était contre le Maroc, en Côte d’Ivoire, à Yamoussoukro, devant toute ma famille… Un moment extraordinaire, rempli d’émotion.
Les Eléphants Ivoiriens
Et donc, Bakary, tu as eu l’honneur de porter plusieurs fois le maillot des « Eléphants », l’Equipe Nationale de Côte d’Ivoire… Que peux-tu nous dire de ces moments-là ?
C’est pas compliqué, ce sont mes meilleurs moments de rugby. J’ai eu une quinzaine de sélections nationales, et mon premier match avec les « Eléphants », ça avait déjà été contre le Maroc, dans l’été qui a suivi mes débuts à Drancy… C’était ma première saison de rugby, tu imagines ma joie quand j’ai été appelé pour aller jouer avec eux !
Ces sélections m’ont donné un bonheur immense : d’abord parce que c’est du rugby, c’est ma passion, et en plus je défendais les couleurs de mon pays d’origine, le pays de mes parents, donc il y a plein de choses qui ressurgissent quand tu connais ce genre d’expérience.
Est-ce qu’on peut dire que la rencontre de Bakary Meïté et du RC Massy Essonne est une « belle » rencontre ?
Ah oui, forcément… Forcément ! On va dire qu’il y a d’abord eu des rendez-vous manqués, car j’avais été contacté par Massy plusieurs saisons avant d’y signer vraiment… Ca ne s’était pas fait, pour diverses raisons de la vie, mais quand ça s’est fait, c’est que ça devait se faire ! La preuve en est que j’ai quitté Béziers, qui est pourtant un grand club avec une belle histoire de rugby, qui m’avait proposé de rester. Mais j’ai fait le choix de revenir à Massy, car c’est ici mon club. Massy, c’est une ville et un club qui me ressemblent, qui ressemblent à tout ce qu’ai vécu depuis toujours, et c’est pour ça que ça me parle.
En tant que Capitaine d’équipe, tu as forcément des responsabilités particulières… Comment les vis-tu et quel « type » de Capitaine es-tu ?
Quand tu as des responsabilités, tu ne peux pas te cacher, et il faut savoir tout assumer, les bonnes et les mauvaises choses. Avoir une influence sur le groupe, sur le jeu, c’est quelque chose que j’aime. Quand tu es Capitaine, parfois il faut « gueuler », parfois c’est inutile. Il faut juste que les mecs sentent que ce que tu dis, tu le vis, et que tu y crois toi-même, sinon ils ne te suivront pas.
Si ce n’est pas un secret, tu leur dis quoi, à tes joueurs, dans les vestiaires, juste avant d’aller au combat, ou sur le terrain, quand parfois le « bateau tangue » ?
Le match, la compétition, c’est l’aboutissement de tous nos efforts quotidiens. Quand on bosse bien toute la semaine, il faut qu’on soit capable de le valider ensemble le samedi soir, en faisant un bon match. Et je leur dis qu’on a toutes les qualités, tous les outils en mains pour réussir, il faut juste se concentrer, et ça ne dépend que de nous. En PRO D2 , on est le promu, et je leur dis qu’on n’a aucun complexe à avoir, on n’est pas le « Petit Poucet » comme on peut le lire parfois dans les journaux (même si on le lit de moins en moins !). Et le respect, on ne le gagnera des adversaires qu’en faisant de bonnes performances sur le terrain.
Imagine un instant… Tu es au Stade Ladoumègue, tu as un micro dans les mains, et tu t’adresses au public Massicois… Tu lui dis quoi ?
En premier lieu je remercie tous les supporters pour leur présence, car Massy, club de banlieue, proche de Paris, en PRO D2, ça relève presque de l’anachronisme… Il y a là quelque chose qui n’était pas gagné d’avance. Et le fait de voir que notre public a continué de venir au stade quand on est redescendu en Fédérale, et qu’il est toujours là, et de plus en plus nombreux, pour nous soutenir à nouveau en PRO D2, défendre les couleurs de cette ville, c’est une grosse fierté pour nous.
Au final, Bakary, le rugby, il t’a apporté quoi dans ta vie d’homme ?
Le rugby m’a apporté beaucoup d’émotions, et m’a fait comprendre que je pouvais moi aussi transmettre beaucoup de choses à travers ce que je faisais… Il n’y a pas énormément de disciplines où tu peux transmettre des émotions aux gens, mais heureusement le sport le permet, et le rugby plus spécialement. Dans le travail de tous les jours, quand tu vas au bureau, bien sûr, tu as des résultats, tu assumes des responsabilités, mais tu transmets très peu d’émotion aux autres.
Oui, avec le rugby, on transmet des émotions… Quand des gens de tout âge, de tous horizons, nous reconnaissent dans la rue et nous remercient de ce qu’on fait, quand ils se déplacent pour venir nous voir jouer, quand ils inscrivent leurs enfants à l’école de rugby parce qu’on leur montre l’exemple, quand tu vois leur visage s’illuminer parce qu’on a gagné un match de rugby… Ca, ce sont de belles choses que le rugby m’a apportées.
Côté Ville
Où es-tu né, et où as-tu grandi ?
Je suis né à Paris, dans le 10ème arrondissement, Hôpital Lariboisière, et j’ai grandi dans le 17ème et le 18ème, dans le nord de Paris, Porte de Clignancourt.
Qu’est-ce que tu apprécies à Massy ? Des lieux en particulier ?
Ici, ce que j’apprécie, c’est que ça ressemble à là où j’ai grandi, avec une mixité culturelle qui me parle, qui me ressemble… Je suis très très fier d’être Français, je suis très très fier d’être Ivoirien, et du coup, des endroits comme Massy, ça me parle carrément, je me retrouve pleinement ici, c’est chez moi, et c’est ce qui me plaît.
Nous les joueurs, on se retrouve souvent Place de France pour boire le café… Place de France, c’est un peu le poumon de Massy, c’est un lieu de vie, ça paie pas de mine, mais moi j’aime être là. J’y passe quasi quotidiennement, j’y côtoie plein de gens… C’est un endroit où il fait bon vivre, tout simplement. Et regarde l’Opéra de Massy, placé là, au milieu des tours d’immeubles, avec la renommée qu’il a, ça rayonne sur la ville, et c’est génial.
Y-a-t-il d’autres régions du monde ou de France pour lesquelles tu as une affection particulière ?
Bien sûr je vais régulièrement en Côte d’Ivoire, j’ai là-bas encore mes grands-parents et beaucoup de famille, et c’est l’endroit où je me sens le mieux au monde, forcément. Même si je n’y suis pas né, quand je vais dans « mon » village, celui de ma famille, à Kani, dans le nord du pays, le temps s’arrête. Je suis près de ma grand-mère, je l’emmène à la mosquée, la journée se déroule tranquillement, tu ne peux pas te sentir mieux que ça !
L’an dernier j’ai découvert San Paulo au Brésil, et j’ai eu un coup de cœur pour cette ville.
Et sinon, pour mes coins préférés en France, en fait… Je suis, vraiment, un vrai Parisien ! J’adore être dans Paris « intra muros » : le métro, le bus, les monuments, mon quartier, Porte de Clignancourt…
En dehors du Rugby, quel a été ton parcours professionnel ?
Grâce au rugby je suis rentré à la Société Générale, comme Conseiller-accueil d’abord, puis j’ai évolué vers Conseiller de clientèle. J’ai travaillé en temps partiel, et j’ai du me mettre en disponibilité quand je suis passé rugbyman professionnel. Je n’exclus pas de retourner dans le secteur bancaire lorsque je serai en reconversion suite à ma carrière rugbystique, car c’est un secteur d’activité qui me plaît.
Hormis le Rugby, quels sont tes principaux centres d’intérêt dans tes moments de loisirs ?
En fait, j’écris beaucoup de choses, des réflexions personnelles, sur ce que je vois, ce que je vis, des choses que je trouve drôles, j’écris quelquefois des vers… Des trucs que je garde parfois, où que je jette, ça dépend.
Et puis je passe beaucoup de temps en famille, avec ma petite fille, ma sœur, mes frères, ma mère que je vais souvent voir à Paris, et mes amis. Les liens familiaux et amicaux sont très importants pour moi… Je n’aime pas trop être seul en fait.
Et pour terminer ce superbe moment Baky, tu nous fais écouter quoi, juste maintenant ?
Il y a un artiste de rap français que j’aime beaucoup, il s’appelle Youssoupha, il a écrit une très belle chanson qui s’appelle « Poids plume ».
Et puis il y a aussi une chanson qui me donne beaucoup d’émotion, et même la chair de poule, c’est « Is it because I’m black », de Syl Johnson.
Poids Plume – Youssoupha
Is it because I’m black – Syl Johnson
Site Internet du Rugby Club Massy Essonne
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Interview : Frédéric Poulet
Photos Rugby : RCME – Bata – JDL / Portrait Bakary : FP / Carte Afrique : Fotolia / Opéra : Opéra de Massy
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